lundi 16 juillet 2018

CASABLANCA des arbres et des fleurs.













Il y a quelques années seulement Casablanca n'avait pour plaire que son ciel bleu, son océan agité, ourlé d'écume, sa rade de velours peuplée de voiles et de paquebots, l'intensité de sa vie cosmopolite et déjà cependant elle retenait les hommes comme ces femmes, qui savent inspirer de grandes passions. 
Et pour faire de Casablanca une belle ville, pour tempérer l'éclat brûlant de ses murs trop blancs, corriger la rigidité de ses horizons, compléter et adoucir son charme naturel, il ne manquait à cette naissante cité qu'une pure parure : des arbres, des fleurs.

Sur ce sol apparemment aride, l'homme, le Français surtout, souffrant intensément du bannissement de l'arbre, a compris qu'il ne suffisait pas de créer autour de lui de la richesse, mais que l'existence ne serait vraiment bonne que si elle se déroulait dans un cadre de beautés naturelles.



Des locaux au Parc Lyautey.
Il n'a pas voulu que Casablanca, porte du Maroc, offre au touriste, à son débarquement, la désillusion d'une ville sans décor. Il a demandé des promenades pour ses enfants, de la verdure pour le repos de ses yeux, un peu de fraîcheur bienfaisante pour le délassement de son corps et de son esprit. Mais c'est à peine si la banlieue casablancaise, pauvre, nue, conserve quelques plantes vivaces : figuiers aux torsions fantaisistes, cactus aplatis, gras et épineux, aux formes étranges, aloès aigus, dentelés, rigides, palmiers nains, rabougris et poussiéreux, lentisques épineux et rébarbatifs. Cependant, dès les premières pluies d'automne, la terre se couvre avec une hâte merveilleuse d'un tapis herbacé multicolore : soucis jaune orange, iris bleus, narcisses blancs, scilles violets, glaïeuls rouges, etc.

Casablanca. Le Jardin Public.
En quelques jours, en quelques heures devrais-je dire, dans le bled vaste, monotone, fatigant, hostile, surgit un paysage gai, varié, doux et accueillant.
C'est sur ce sol tour à tour riche et ruiné, endormi un semestre par an sous la torpeur du soleil brûlant, transformé magiquement par la moindre ondée, que le Français, en qui chante toujours la poésie des grands jardins et des plaines verdoyantes de la patrie, voulut répandre la douceur de frondaisons d'Europe.
Le premier jardin public devait naître, en 1912 près du port. Il a, en quelques années, réalisé heureusement les espoirs de ses créateurs. Certes ce n'est pas un parc aux allées soigneusement ratissées, aux plates-bandes géométriques garnies de ces fleurs rares qui font la gloire des plus délicats adonistes.



Mais dans un désordre artistique le mimosa se pare d'or, le myoporum aux feuilles luisantes voisine avec l'olivier au teint mat, l'eucalyptus brandille au moindre souffle ses feuilles effilées, le bellombra capricieux étale ses branches tordues au-dessus des arums au col rigide, des géraniums multicolores, des leucanthemums immaculés, des strelitzias extravagants, de ces nombreuses fleurs, communes sous tous les cieux, qui n'ont rien des brillantes azalées ou des orgueilleuses orchidées mais dont les teintes rutilantes sous l'intensité de la lumière marocaine forment un ensemble élégant et gracieux.
Le succès est le meilleur stimulant. Cet îlot de verdure dont la superbe végétation s'étend sur un hectare fut le début d'une œuvre de longue haleine, activement poursuivie. 
Aujourd'hui les jardins et les parcs publics surgissent comme si la baguette même de Flore présidait à leur épanouissement.





C'est le square de la Subdivision où grandissent les ficus roxburgis aux larges feuilles caoutchoutées, aux racines aériennes, le palmier phœnix vigoureux et imposant, les massifs enchevêtrés de rosiers, d'altéas, de plumbagos, de dracaena aux feuilles en lame d'épée qui semblent des touffes de cheveux hérissés coiffant un tronc nu et rugueux.








Le Parc de La Subdivision.
C'est le jardin de Sidi Bou Smara discrètement caché dans la ville indigène, qui encercle le tombeau d'un marabout à qui les musulmanes soigneusement voilées viennent en files ininterrompues demander la santé pour leurs enfants.
C'est le parc Murdoch créé par un ami des arbres, acheté ensuite par la Municipalité, qui domine la Ville et dont les multiples aspects évoquent la fraîcheur, la grâce, la douceur, le calme des jardins paysagers de la France méridionale.
Casablanca.    Parc Murdoch. (Murdoch et Buttler étaient des hommes d'affaires anglais installés au Maroc début de siècle).

Le promeneur étonné y découvre à travers les palmiers qui bordent l'allée principale la pelouse verdoyante où de bruyants bambins jouent sur des monticules de sables, l'allée, couverte par le cyprès de Lambert, où des recoins discrets offrent au rêveur une exquise tranquillité, des pergolas magnifiques et parfumées garnies de rosiers grimpants rouges, roses, blancs, de solanums sarmenteux, de buddléias aux longs épis à l'odeur de miel.
Ici les cyprès et les ifs droits, élancés, en robe de deuil, se marient au robinier étalé et tortueux, rose ou blanc. Plus loin, les feuilles glauques de l'eucalyptus voisinent avec les aiguilles de l'araucaria à port pyramidal. Et sous leur ombre ou à leur côté, l'hibiscus précieux pour sa rusticité et la beauté de ses corolles rouges, le romarin buissonneux, le flexible genêt d'Espagne, le capricieux pois de senteur font assaut de couleurs et de parfums, noyés dans une abondante floraison de pétunias.


A courte distance le square Abbé de l’Épée, commencé en 1923 sur un terrain complètement nu, couvre deux hectares de ses frondaisons déjà épaisses et les minuscules rameaux confiés à la terre élèvent maintenant leurs tiges à plusieurs mètres vers le ciel. Blotti au pied de la colline de Mers-Sultan, au bas des Nouveaux Hôpitaux en construction, il offrira aux malades l'agrément de ses pelouses ornées de massifs verts et fleuris, de ses allées spacieuses aux courbes minutieusement étudiées, du contraste obtenu par un heureux mélange de feuillages diversement colorés. Parc de promenade et de repos où le souffle frais des brises embaumées calmera la fièvre des malades, où l'arbre en vivifiant l'atmosphère apportera à la science un concours invisible mais précieux.


Et voici le Grand Parc conçu par un urbaniste qui eut les honneurs du prix de Rome. Placé au centre de Casablanca, couvrant 12 hectares, il abrite un stade d'athlétisme richement encadré de géraniums aux couleurs vives, entouré et dominé par une promenade délicieusement ombragée sous la voûte de faux-poivriers à grappes de fruits rouges, aux feuilles finement découpées. Les tribunes se cachent sous une légère pergola construite avec les moellons d'une ancienne prison portugaise, vêtue de bougainvillées aux bractées violettes magnifiquement décoratives.



Casablanca. La Pergola au Stade Lyautey.
Sur toute l'étendue de cette immense plantation, en voie d'achèvement, de vastes parterres de fleurs aux couleurs vives, sertis d'un ruban de lantanas orange, jettent une note éblouissante dans la teinte sombre des ficus, palmiers, bananiers, bigaradiers ou grenadiers toujours verts...
A côté de cette flore africaine les arbres d'Europe, peupliers aux cimes élevées, bouleaux argentés, micocouliers gris, forment des massifs d'essences à feuilles caduques entrecoupées de tamaris, pittospores, brachychitons, mélange agréable de plantes des deux continents, toutes débordantes de sève vigoureuse, d'un développement extraordinairement rapide.

Sur toute l'étendue de cette immense plantation, en voie d'achèvement, de vastes parterres de fleurs aux couleurs vives, sertis d'un ruban de lantanas orange, jettent une note éblouissante dans la teinte sombre des ficus, palmiers, bananiers, bigaradiers ou grenadiers toujours verts...

A côté de cette flore africaine les arbres d'Europe, peupliers aux cimes élevées, bouleaux argentés, micocouliers gris, forment des massifs d'essences à feuilles caduques entrecoupées de tamaris, pittospores, brachychitons, mélange agréable de plantes des deux continents, toutes débordantes de sève vigoureuse, d'un développement extraordinairement rapide.




L'effort administratif ne s'est pas seulement manifesté par la création de parcs publics où plus de 40000 arbres ou arbustes sont actuellement en pleine végétation. Un boisement forestier de 23 hectares a été achevé récemment dans le périmètre même de la ville, à une lieue du centre. Vingt kilomètres de rues ou de boulevards se parent de palmiers, acacias, schinus, parkinsonias, pruniers pissardi, sophoras, peupliers, eucalyptus ou bellombras.




Casablanca. Jardin public de la subdivision.

L'initiative privée complète heureusement ce mouvement en faveur de l'arbre. La Société d'Horticulture aménage aux portes de la Ville un immense jardin vallonné, avec d'agrestes massifs boisés, des pelouses multicolores, des pièces d'eau artificielles et, en toute saison, une floraison abondante et variée, véritable architecture où l'harmonie des couleurs le dispute au charme des parfums.
Les villas se dissimulent peu à peu sous une profusion de plantes grimpantes débordant les pergolas et les murs et, dans les jardins particuliers, les plus avisés propriétaires renouent et continuent sur la terre marocaine l'agréable tradition des jardins à la française.

Casablanca. L'Hotel de Ville et Les jardins de La Subdivision.


Casablanca n'est donc plus une ville blanche, il suffira maintenant de quelques années d'efforts pour noyer la cité dans une féerie de couleurs, la couvrir de ces jardins merveilleux que les légendes placent dans le voisinage de l'Atlas et qu'évoquent encore les conteurs arabes sur les places publiques.