mercredi 26 septembre 2018

C.I.L. Comité Interprofessionnel du Logement au Maroc.








C.I.L.



Mai 1952 - ouverture des premiers chantiers du nouveau lotissement « C.I.L. » d'Anfa-Beauséjour.       Photo Sixta.

.NAISSANCE ET RÉALISATIONS DU COMITÉ INTERPROFESSIONNEL DU LOGEMENT AU MAROC

Octobre 1953 - un an et demi après !... La photographie panoramique se passe de commentaires. On reconnaîtra la première villa commencée qui sert de point de comparaison.                                                                                                                                                                                            Photo Rouget


Les gens de bons sens l'éprouvent le gout excessif de notre époque pour les signes et abréviations qui, la plupart du temps, finissent par ne plus répondre, dans l'esprit du public, à une signification précise connue seulement de quelques initiés. Pourtant, il n'est personne au Maroc et à Casablanca en particulier pour ne pas savoir ce que représente le C.I.L. car ces trois initiales, qui forment un mot, correspondent à une notion dont il est aisé de mesurer les effets concrets autour de soi.
Le Comité Interprofessionnel du Logement au Maroc a été inspiré par son homologue de la Métropole.
Un entrepreneur casablancais, M. Léon Dubois, président de la Chambre Syndicale des Entrepreneurs français, prit l'initiative de sa création parce qu'il avait foi dans les destinées de ce pays et qu'il estimait qu'un grand effort devait être fait le plus rapidement possible, sur le plan social, pour assurer un logement décent à la population laborieuse à laquelle la cité doit une part non négligeable de son remarquable essor. M. Léon Dubois réussit il faire partager sa conviction à quelques-unes des personnalités les plus représentatives de la ville, qui décidèrent de constituer une association ouverte à tous ceux qui s'intéressaient à l'importante question de l'habitat.
                Le Comité Interprofessionnel du Logement au Maroc avait pour objet :
                - de grouper les personnes civiles ou morales s'intéressant au problème du logement au Maroc ;
                - d'établir entre elles l'unité de vue et d'action nécessaire pour mener à bien leurs projets ;
                - de mettre en œuvre tous moyens appropriés pour remédier à la crise du logement :
- d'étudier pour ses adhérents et de leur faire parvenir toute documentation sur l'évolution technique en matière de construction. Le cas échéant de rechercher toutes acquisitions de terrains, et de faire, pour leur compte, toutes Etudes de constructions, de faire exécuter, gérer ou administrer, s'il y a lieu, toute habitation d’essai ;
- enfin, sur leur demande, de faire entreprendre et réaliser ou simplement de surveiller, pour le compte de ses adhérents, tous programmes de construction qu'ils jugeraient nécessaires.



Le premier acte de cette association, vite reconnue d'utilité publique et dont les promoteurs s'interdisaient toute arrière-pensée lucrative, fut de procéder à une enquête avec l'appui de la presse du Maroc. A cette fin, un questionnaire fut publié dans les principaux journaux, questionnaire- auquel étaient invités à répondre les mal-lotis (et Dieu sait combien ils étaient nombreux) en apportant toutes précisions utiles sur leurs aspirations en matière de logement ainsi que sur les moyens matériels dont ils pourraient éventuellement disposer dans l'immédiat.
Jusqu'ici, le problème de l'habitat avait été évoqué beaucoup plus sur le plan théorique que dans le domaine des réalités et personne n'osait se risquer à proposer les solutions révolutionnaires imposées par la situation.'
Ainsi, une vague de scepticisme accueillit-elle l'initiative du C.I.L.M. encore que d'assez nombreuses réponses parvinrent à ses dirigeants oui purent en dégager les données moyennes. Mais les abstentionnistes avaient été les plus nombreux en croyant sage d'attendre et de voir venir. Il ne fallut pas longtemps pour les convaincre qu'ils avaient eu tort car le C.I.L.M. démontra rapidement qu'il était décidé à aller vite en besogne et aussi loin qu'il était possible, eu égard aux conditions du moment et aux résistances qu'il y avait à vaincre.
Et c'est cette belle histoire de la naissance quasi-spontanée d'un quartier et d'une véritable ville-satellite champignon que nous allons nous efforcer de conter à l'aide de quelques dates et de quelques chiffres évocateurs.



En préface à la constitution officielle du Comité Interprofessionnel du Logement, s'étaient tenues à Casablanca, les 23, 25 et 26 octobre 1950 sous la présidence d'honneur du Résident Général, les journées de l'habitat dont le rapport général fut présenté par M. Lambert-Ribot. Maître de requêtes honoraire au Conseil d'Etat, président du C.N.A H., venu spécialement de France nanti d'une précieuse expérience.
« D'une façon générale, y disait-il partout on a compris que l'attribution à chaque ménage d'un logement sain doit représenter une garantie contre l'aventure et constitue le meilleur placement au point de vue social et national ».
« Le Maroc, pays neuf et en plein essor, ne peut pas manquer de suivre une politique identique... ».

Le rapport général de M. Lambert-Ribot avait été précédé par les allocutions d'ouverture de :
MM. Dubois, en sa qualité de président du C.I.L.M.,
Marill, président de la Chambre de Commerce, et d'Industrie de Casablanca,
Girard, directeur des Travaux Publics au Maroc, dont la présence attestait l'intérêt que les administrations techniques apportaient à cette importante manifestation.
Pour mieux matérialiser l'appui des services résidentiels, le Secrétaire Général du Protectorat tint lui-même à en dégager les conclusions et il ne manqua pas d'affirmer qu' « une des premières préoccupations du Secrétaire Général du Protectorat est « de rechercher les moyens pratiques et techniques de résoudre «cet immense problème de l'habitat... » car « ...on ne saurait « concevoir que ce pays puisse trouver l'équilibre moral et social « des populations diverses qui le composent si l'on tolérait que « règne l’angoisse de la recherche d'un toit et de l'abri indispensable « .
L'illustration des journées de l'Habitat fut constituée par une exposition de plans et de maquettes dans les locaux de la Chambre de Commerce et par la visite officielle de 2 maisons expérimentales dont le C.I.L.M. avait posé la première pierre le 26 septembre précédent.

La « Cité des Jeunes » d'Anfa-Beauséjour forme :
Un vaste ensemble dont les premiers chantiers s'ouvrirent en mai 1952. Composée de 3 immeubles représentant 86 logements identiques, les plans en ont été particulièrement étudies. La surface intérieure de chaque logement (terrasse et buanderie déduites) est de 50 m2, et comprend une entrée desservant les pièces, une cuisine, toilette, living-Room de 24 m2 avec coin de repos, une chambre de 9 m2 et une terrasse de 5 m2. Avec les murs, balcon, terrasse et buanderie, la surface totale employée est de 78 m2. La construction est en béton, insonorisation transversale. Les cloisons sont montées sur socle de béton de liège.
Ont participé, parmi les entreprises, à la construction de ces immeubles, pour :
Les volets roulants : ARENA,
L’électricité : Forcelec,
La peinture : Halioua,
Les agglomérés et éléments préfabriqués : STIC.



La théorie du problème de l'habitat ayant été parfaitement définie par la compétence de nombreux techniciens groupes en différentes commissions, il fallait la faire entrer dans les faits et M. Dubois lança son appel en ces termes :
 « Messieurs, nous convions toutes les bonnes volontés, sans aucune restriction, à nous suivre dans la tâche gigantesque que nous allons nous efforcer d'entreprendre...il s'agit véritablement du problème social n° 1...
Les quelques journées consacrées à l'étude de ce problème permettent beaucoup mieux qu'une vague lueur d’espoir aux hommes qui attendent de nos efforts une vie plus heureuse dans l'ambiance d'un foyer plus harmonieux qui sera le leur « .
Cet appel, qui suscita tant d'espoirs, n'allait pas rester lettre morte. En effet, il en résulta, en décembre 1950, la constitution de la société anonyme des « Cités C.I.L. » ., au capital de 5.000.000 de francs, en vue de :
« Favoriser la construction de locaux à usage d'habitation à loyer modéré, avec le concours de l'Etat, des Municipalités, du Patronat et des intéressés eux-mêmes ».
Grace il l'appui officiel qui lui fut immédiatement accordé et aux souscriptions des plus importantes sociétés de la place, la société, conformément à ses statuts, se rendit acquéreur, le 1er septembre 1951, dans des conditions particulièrement avantageuses, d'un terrain situé à Aïn-Sebaa et dont la superficie ne couvrait pas moins de 52.000 mètres carrés. Ce terrain fut divisé en 75 lots à villas d'une superficie de 450 mètres carrés .et il était également prévu 4 lots il immeubles. L'équipement et la viabilité en étaient immédiatement entrepris et les premiers chantiers ne tardèrent pas à s'ouvrir, si bien qu'au 31 décembre 1952, soit un peu plus d'un an plus tard, 45 villas étaient en voie d'achèvement - les trois-quarts d’entre-elles étant habitées et le premier immeuble était livré à ses occupants. L'Etat avait apporté, pour sa part, une aide efficace à la société en lui consentant, à un taux très réduit, des avances à long terme et la Municipalité se chargea des travaux de viabilité. Cette double forme d'aide réduisit considérablement les charges des sociétaires qui voyaient enfin se réaliser le rêve merveilleux d'un logement personnel confortable.
Ce premier lotissement, baptisé « lotissement Germaine », a permis le recasement définitif, en un temps véritablement record de 650 personnes.

Forts de cette première réussite, les animateurs du C.I.L.M. s'enhardirent à voir plus grand. Usant de ruses de sioux pour déjouer les visées de la spéculation qui cherchait à s'immiscer sournoisement dans les opérations prévues, M. Dubois réussit un coup de maître qui consista à acheter, pour le compte de la société, un terrain de 320.000 mètres carrés d'un seul tenant au pied de la colline d'Anfa, dans une zone climatique favorable puisqu'elle est naturellement protégée des brouillards marins.
Le nouveau lotissement " C.I.L. - 1 " fut divisé en 371 lots de 350 à 600 mètres carrés, tandis que 11 lots étaient destinés à la construction d'immeubles de 5 étages. En outre, et pour répondre à une initiative de M. Gouin, industriel casablancais une formule spéciale fut mise spécialement au point sous la dénomination de " Cité des Jeunes" dont le développement était prévu sur 23.000 mètres carrés.

Ce vaste ensemble dont la création avait été lancée en janvier 1952, vit s'ouvrir ses premiers chantiers en mai 1952 et c'est ainsi que d'un terrain absolument nu, l'action décisive du C.I.L.M. fit surgir une ville-satellite où s'épanouit aujourd'hui une population euphorique.
Pour mesurer d'un seul coup d'œil l'étendue de cet effort, qui a surpris les Américains eux-mêmes, il suffit de se reporter aux deux photos qui illustrent cette étude et qui, prises exactement sous le même angle et du même emplacement (ainsi qu’il est aisé de s'en rendre compte par quelques repères), nous montre l'étonnante transformation, a dix-huit mois d'intervalle, de ce paysage urbain ou les statistiques révèlent que se fixeront plus de 4.500 habitants. Actuellement, 280 villas et 3 immeubles sont achevés.

D'autre part, pour répondre aux besoins de cette population, une zone commerciale comprenant notamment un marché d'une trentaine de stalles en dur (qui seront exploitées sous le contrôle municipal), une quarantaine de magasins de conception moderne, un cinéma, une brasserie-restaurant, etc.… est en cours d'édification. En outre, le rez-de-chaussée de deux des immeubles de la partie Nord seront réservés au commerce. Enfin, il est bien entendu que la cité disposera de son école.


Photo aérienne Flandrin.
(Extraits d'un article, paru sur l'album du Rotary-Club de. Casablanca, par Edouard Gouin, Vice-Président du Comité Central des Industriels).
1953, la ville satellite d'Anfa-Beauséjour et la cité des jeunes sont le témoignage des déclarations de M. Edouard Gouin.
« Du côté européen, l'année 1950 a été marquée par la création, à l'exemple de la Métropole, du Comité patronal interprofessionnel du logement (C.I.L.). Dans ce cadre, différentes initiatives patronales dont la plus notable est la « Cite des Jeunes » vont assurer un logement confortable et bon marché à près de 300 jeunes ménages et célibataires.
« Parce qu'aride, comme l'est tout bilan sincère, l'œuvre sociale accomplie par le Patronat français du Maroc n'est pas un mythe. Elle est considérable et qui plus est méritoire si l'on songe qu'elle a débuté « motu-proprio » en absence de toute législation sociale, et qu'elle s'est poursuivie malgré des résistances, des réticences et des incompréhensions inévitables.
« Aussi positif que soit son bilan, il ne saurait cependant constituer une fin en soi, car l'évolution constante de la technique et de l'économie donnent inévitablement naissance en l'ordre social à des problèmes auxquels de nouvelles solutions doivent sans cesse être proposées.
« Mais rien ne nous autorise à penser, bien au contraire, que les Industriels Français du Maroc ne sauront, alliant à leur dynamisme un profond désir de paix sociale, et une volonté tenace de progresser, rester Fidèles aux principes qui les ont guidés jusqu'ici. »


Les premières villas construites grâce au C.I.L. Furent édifiées à Ain Sbaâ.
Notre photographie représente les villas exécutées par les établissements RENAUDAT pour loger leur personnel.

Le gros-œuvre a été réalisé par la CEGA.



Pour compléter le programme qu'il s'est tracé, le C.I.L.M. a entrepris, la création d'un centre d'habitat marocain.
La Cité marocaine de Sidi-Othman prévoit la réalisation de 232 logements de 2 pièces et dépendances à rez-de-chaussée, 116 logements d'une pièce et dépendances à rez-de-chaussée et, 232 logements répartis dans des immeubles à étages. 8 boutiques seront, en outre, édifiées, pour être louées au profit de la société.
Afin de ne pas entraîner de charges trop lourdes pour les firmes intéressées, un système ingénieux de financement prévoit que les actions qui formeront le capital seront libérées à 50% de leur valeur par un versement immédiat, tandis que le complément en sera échelonné sur 5 ans. Mais il convient d'ajouter qu'a cette participation des actionnaires se conjugue un emprunt à long terme amortissable par les loyers, le montant de cet emprunt devant être au moins égal des actions afin de permettre la couverture intégrale des dépenses envisagées pour l'édification de la nouvelle cité.
D'ores et déjà, d'importantes sociétés, au nombre desquelles il faut citer la Compagnie Sucrière Marocaine (COSUMA), l'Auto-Hall, Astral Cellulo, etc.… se sont réservées d'importantes surfaces pour le logement de leur personnel marocain. La COSUMA, en particulier, y poursuivra son vaste programme d'habitat ouvrier qui compte déjà des réalisations remarquables dans les propres dépendances de ses usines.
Il faut souhaiter cependant que d'autres industriels suivent cet exemple et accordent une large adhésion à ce mouvement dont la portée sociale n'a guère besoin d'être soulignée.
Vue de la maquette de l'immeuble à étages constituant une expérience de l'adaptation aux conditions de la vie moderne des marocains. Cet immeuble sera élevé dans la cité Marocaine de SIDI-OTHMAN.

On voit suffisamment, par tout ce qui précède, que le C.I.L.M. a parfaitement répondu à son objet. De tels résultats, qui suscitent l'enthousiasme, auraient dû normalement conduire à une extension de son programme. Or, il semble que l'action du C.I.L.M, soit actuellement freinée car il lui est devenu difficile de trouver, dans le périmètre urbain de Casablanca, des superficies suffisantes pour convenir à la création de nouvelles zones d'habitat.
L'œuvre du C.I.L.M., qui a su apporter les germes d'une vie intense à des secteurs jusqu'alors déserts, est trop nécessaire pour qu'on ne lui donne pas les moyens de poursuivre une œuvre dont les premiers résultats ont été si fulgurants, alors que le développement démographique de la cité tend régulièrement à s’accroître et fait surgir de mois en mois des besoins renouvelés.