mercredi 8 juillet 2020

A N F A

A N F A

Document extrait de la collection particulière de R. Bérenger.
NFA, qu'aucuns nomment Anaffa, eft vne: tref grande Ville qui a efte baftie par les Romains fur le riuage de la mer Oceane, fe petit: paragonner a toutes les autres villes d' Affrique,quant à la fituation & plaifance du lieu,ou elle eft. Elle a de tous coftez vne plaine (fors de la part de Septentrion, ou elle regarde la mer) qui a vingt & huit lieues en longueur. Elle eut jadis des temples qui eftoyent magnifiquemêt baftiz, grand nombre de boutiques,palays, d'excellêce, dont les marques & reliques, qui y font iufques à prefent demourees donneront affes fuffifant tefmoignage. . Ils ont eu grands jardins & vergers fpacieux defquels ils recuillent fruicts en grande abondance, principalement melons & citrons qui paruiennent à maturité à mi-Auril : & pourtant les habitans de ce pays portent vendre leurs fruicts à Fies,ou ils ne meuriffent fi toft.Quant à la guife de leurs habits & parures; elle eft affes propre & mignone, aufsi ont ils toufjours eu accointance auecques les Portugoys & Angloys. Il y, a, en cefte ville grand nombre de perfonnages lettrez.

En 1556, Jean Temporal en publiât une traduction, qui était dédiée au Dauphin François, fils du roi de France Henri II et dont nous avons extrait du Passage ci-dessus consacré à Anfa.

Anfa disparut de l'histoire du Maroc. On a peine à croire en voyant la ville moderne de Casablanca, si grande et si puissante, qu'elle n'ait pas été précédée par quelque florissante, cité à l'instar des métropoles européennes. 



Une cité Paisible dans l'attente.                                     Photo Chelle.

En fait l'histoire de Casablanca commence au début du XXe siècle. En 1907, lorsque débarquent les marins de l'amiral Philibert, pour mettre fin au pillage de la ville par les tribus révoltées, Dar Beida est une bourgade obscure. Quelques commerçants européens y sont établis, mais l'accès du port. Si l'on peut employer ce mot est très difficile, et le séjour en ville manque de confort et d'agréments. 
Les témoignages les plus surs et les plus pittoresques sur Casablanca à cette époque se trouvent dans les deux livres du Dr. Weisgerber, « Casablanca et les Chaouia en 1900 » et « Au seuil du Maroc Moderne ». Il faut les lire pour mesurer le chemin parcouru en moins d'un demi-siècle, et les détracteurs de l'œuvre française rencontreraient aussi matière à réflexion dans d'autres documents qui relatent le sac et l'incendie de Dar Beida au mois d’août 1907. Il suffit d'écouter ce que dit l'Histoire pour comprendre et pour conclure.



Moulay Youssef et Lyautey visitant les Quais.                                                                 Photo Flandrin.


Moulay Youssef à Casablanca
..              Photo Archives du Protectorat.


La décision de Lyautey fut vite prise : il conserverait le Maroc à la France.

Le 4 aout 1914, il fit afficher une proclamation qui commençait ainsi :

                        « A la population de Casablanca »,

                        « Le Résident Général, commandant en chef, a tenu, après avoir pris à Rabat les premières mesures inspirées par les circonstances à venir à Casablanca pour s'y mettre en communication d'esprit et de cœur avec la vaillante population dont il ne saurait trop louer l'attitude, le calme et le patriotisme. Il compte fermement qu'elle ne s'en départira pas, qu'elle continuera, dans la discipline et dans l'ordre, à lui faciliter sa tâche... »

 

En même temps qu'il envoyait en France toutes les troupes dont il pouvait disposer, Lyautey poursuivit le développement de son œuvre. Il inaugura à Casablanca au mois d'octobre 1914 les grands magasins « Paris-Maroc », et au printemps 1915, une exposition d'horticulture. Au mois de septembre de la même année, toujours à Casablanca, eut lieu une « Exposition des produits d'importation et d'exportation ».

La ville peu à peu s'agrandissait. Au milieu des terrains vagues, situés au sud et à l'est de la Médina, des rues se traçaient et des immeubles s'édifiaient. Des routes aussi reliaient de plus en plus nombreuses la ville et le port naissant au reste du pays. Rabat n'était plus qu'à deux heures de Casablanca.

 

L'armistice et la victoire donnèrent raison à Lyautey. En 1919 le mouvement des marchandises à Casablanca était de 800.000 tonnes contre 130.000 en 1911. Le port que les techniciens avaient jugé d'abord d'une construction impossible, puis d'une importance exagérée, se révéla indispensable, puis trop petit lorsqu'on eut découvert en 1921 le gisement des phosphates de Khouribga.

Au mois d'avril 1925, Lyautey invita quelques amis de France à l'inauguration d'un chemin de fer à voie normale, de Casablanca à Rabat. Il leur montra Casablanca, et il leur parla de ses projets, car partout les chantiers emmaillotaient la cité nouvelle.




Photo Verdy.
Cette Photo montre la Place Lyautey avec au dernier plan à gauche, Le Palais de Justice, l’imposante façade des Services Municipaux, l’Hôtel de La Division entre les deux Bâtisses. Cette vue est du haut du garage Polizzi.

« Tout ça, dit le maréchal, c'était des camps... 
Ici... (D’un saut il bondit sur le socle d'un monument), ici, je voulais faire quelque chose comme le jardin du Palais-Royal. Vous voyez ça ? Une place fleurie, encadrée de longs bâtiments symétriques... C'est très beau, le Palais Royal... Seulement, quand j'ai été malade, très malade, absent deux ans, ils m'ont tout abîmé... Je me suis mis en colère, une colère terrible... Seulement, que voulez-vous ? C'était fait... Moi, j'accepte toujours l'irréparable... Je m'arrangerai. Nous rattraperons la symétrie de la place... Là, nous auront la mairie ».

André Maurois qui raconte la scène dans son « Lyautey » nous montre ensuite le Résident entraînant ses hôtes au port, dont l'ingénieur en chef Delure leur explique le plan. Puis Lyautey reprit la parole :




« Très bien... Maintenant, moi, je vais vous expliquer la philosophie de la chose... Quand j'ai commencé ce port, tout le monde a dit : « Lyautey voit trop grand. Il est fou... » Mais ça m'était égal. Je pensais : « Ce pays-ci est un grand pays... Les besoins viendront : il faut que je sois prêt. » Bon... Vous savez qu'on a découvert tout près d'ici, à Khouribga, des gisements de phosphates qui sont les premiers du monde. Cette année, nous produirons six cent mille tonnes ; l'an prochain, nous atteindrons le million. Or, ces phosphates, à eux seuls, justifieraient l'importance du port... Voilà. Vous me direz : « Et s'il n'y avait pas eu les phosphates ? » Oui, mais ma 
réponse, c'est qu'il y a toujours les phosphates. Quand on fait quelque chose, il faut avoir confiance dans ce qu'on fait, »

 

Cette dernière phrase semble avoir été prise comme devise non seulement par Lyautey mais encore par la plupart des Français qui participèrent à son œuvre et qui le continuent, en particulier à Casablanca.

La grande place ou Lyautey voyait la mairie est maintenant terminée, ou presque. On n'attend plus que la construction, sur le terre-plein situé en face des Services Municipaux, d'un immeuble qui abriterait à la fois une salle de conférences et une bibliothèque publique.

La statue de Lyautey, qui regarde le monument de la Victoire, domine aussi les manifestations patriotiques qui se déroulent sur la vaste place. Autour du maréchal de bronze, s'étend une ville de plus en plus grande, de plus en plus active et prospère. Pour bien la voir, il faut monter au sommet de la tour qui sert de beffroi. A perte de vue, dans toutes les directions, la ville s'étend verte et blanche. Le spectacle est si grandiose que le Casablancais le plus chevronné hésite, et ne reconnait pas la cité qu'il croyait lui être si familière. Ceux qui dénigrent Casablanca, devraient monter à ce belvédère. Ils comprendraient la grandeur de cette création, et ils admireraient, eux aussi.




Les services Municipaux Vue de sous les arcades du Palais de Justice.                      Photo Verdy.





Photo Chelle
Il serait impossible de placer une légende sous cette photographie à moins d'être un vieux marocain et d'avoir participé au meeting d'aviation qui eut lieu à cet endroit, c'est-à-dire sur les terrains du quartier racine, dans lequel il faut voir un des ancêtres de l'aérodrome moderne du camp Cazes.

Que leurs regards se posent d'abord, aux pieds de la tour municipale, sur la petite baraque de planches qui servit de poste de commandement au général Drude, et qu'ils se portent ensuite du sud au nord, de l'est à l'ouest sur les rues animées et sur les maisons blanches qui forment autour de l'humble commencement une couronne gigantesque, et toujours amplifiée.



Photo Chelle.
Nous sommes en 1912. Le visage moderne de Casablanca commencé à se modeler. C'est pourquoi l'on construit les magasins du même nom, tout près de la place de France. On voit l'immeuble encore emmailloté d'échafaudages, et au loin, la Tour de l'Horloge. Au premier plan, la foule marocaine, avec ses flâneurs, son pittoresque et ses marchands de pain.

Sur le développement futur de Casablanca, le plan Courtois, il y a quatre ans, a jeté quelques vives lueurs. Il est malaisé de juger cette conception, dont on sait surtout que sa réalisation serait fort coûteuse. Elle entraînerait d'abord des démolitions qui aggraveraient l'actuelle crise des logements dans des conditions telles qu'elles constituent un obstacle quasi-infranchissable.

Mais depuis que ce plan a été conçu, et, semble-t-il, enterré, des faits nouveaux donnent des indications sur le visage que prend Casablanca. Le centre des affaires se déplace lentement de la place de France vers la place Nicolas Paquet.

   


Le boulevard de la Gare qui n'était animé qu'entre le Marche Central et la place de France, devient une grande artère sur plus de la moitié de son parcours (et tous les voyageurs qui étaient obligés pendant la guerre d'aller à la gare à pied, savent quelle est sa longueur !). La gare elle-même se rapproche de la ville, et la gare des C.F.M. installée au port est aussi une heureuse innovation. Par contre la gare de la C.T.M. sera déplacée, et ses bâtiments actuels démolis, ainsi que l'ancien immeuble de la Banque d'Etat.




Photo Chelle.
L'attente du courrier... Les vieux marocains se souviennent de l'impatience avec laquelle les nouvelles de France étaient accueillies. Les nouvelles, et les marchandises de toutes sortes qui permettaient à une équipe de pionniers de modeler le visage moderne de Casablanca. Les canotiers' et les cols cassés de ces pionniers sont démodés, mais leur foi et leur Energie restent pour nous des exemples à méditer.


On sait que la construction d'un grand hôtel de tourisme près du port a été commencée : Casablanca, jusqu'à présent, offrait aux voyageurs de bons hôtels trop peu nombreux. Un jour prochain, la ville offrira aussi à ses habitants un musée accessible, une bibliothèque installée dans un immeuble à l'abri de l'incendie, une salle de concerts et de conférences, et qui sait, peut-être si les Dieux nous comblent, un vrai théâtre.

En ce qui concerne la population musulmane ; de plus en plus importante, il faut noter, comme une création digne de l'esprit lyauteyen, la construction de la cité d'Aïn Chok, qui sera peuplée de 150 à 200.000 habitants, aux portes de Casablanca, sur un emplacement d'une remarquable salubrité. De tous côtés s'épanouit la ville dont Lyautey a voulu doter le Maroc. L'efficace et prodigieux développement de Casablanca récompense les efforts de ses créateurs et les justifie au-delà de toutes les espérances.



                                                                                                                                        Photo Chelle.
Les barcasses peuplent le port de Casablanca ou s'affairent déjà les constructeurs. Mais les navires sont obligés de rester au large, et leur nombre donne une idée de l'ardeur avec laquelle on travaille dans ce port qui n'existe encore que sur plans.





mercredi 26 septembre 2018

C.I.L. Comité Interprofessionnel du Logement au Maroc.








C.I.L.



Mai 1952 - ouverture des premiers chantiers du nouveau lotissement « C.I.L. » d'Anfa-Beauséjour.       Photo Sixta.

.NAISSANCE ET RÉALISATIONS DU COMITÉ INTERPROFESSIONNEL DU LOGEMENT AU MAROC

Octobre 1953 - un an et demi après !... La photographie panoramique se passe de commentaires. On reconnaîtra la première villa commencée qui sert de point de comparaison.                                                                                                                                                                                            Photo Rouget


Les gens de bons sens l'éprouvent le gout excessif de notre époque pour les signes et abréviations qui, la plupart du temps, finissent par ne plus répondre, dans l'esprit du public, à une signification précise connue seulement de quelques initiés. Pourtant, il n'est personne au Maroc et à Casablanca en particulier pour ne pas savoir ce que représente le C.I.L. car ces trois initiales, qui forment un mot, correspondent à une notion dont il est aisé de mesurer les effets concrets autour de soi.
Le Comité Interprofessionnel du Logement au Maroc a été inspiré par son homologue de la Métropole.
Un entrepreneur casablancais, M. Léon Dubois, président de la Chambre Syndicale des Entrepreneurs français, prit l'initiative de sa création parce qu'il avait foi dans les destinées de ce pays et qu'il estimait qu'un grand effort devait être fait le plus rapidement possible, sur le plan social, pour assurer un logement décent à la population laborieuse à laquelle la cité doit une part non négligeable de son remarquable essor. M. Léon Dubois réussit il faire partager sa conviction à quelques-unes des personnalités les plus représentatives de la ville, qui décidèrent de constituer une association ouverte à tous ceux qui s'intéressaient à l'importante question de l'habitat.
                Le Comité Interprofessionnel du Logement au Maroc avait pour objet :
                - de grouper les personnes civiles ou morales s'intéressant au problème du logement au Maroc ;
                - d'établir entre elles l'unité de vue et d'action nécessaire pour mener à bien leurs projets ;
                - de mettre en œuvre tous moyens appropriés pour remédier à la crise du logement :
- d'étudier pour ses adhérents et de leur faire parvenir toute documentation sur l'évolution technique en matière de construction. Le cas échéant de rechercher toutes acquisitions de terrains, et de faire, pour leur compte, toutes Etudes de constructions, de faire exécuter, gérer ou administrer, s'il y a lieu, toute habitation d’essai ;
- enfin, sur leur demande, de faire entreprendre et réaliser ou simplement de surveiller, pour le compte de ses adhérents, tous programmes de construction qu'ils jugeraient nécessaires.



Le premier acte de cette association, vite reconnue d'utilité publique et dont les promoteurs s'interdisaient toute arrière-pensée lucrative, fut de procéder à une enquête avec l'appui de la presse du Maroc. A cette fin, un questionnaire fut publié dans les principaux journaux, questionnaire- auquel étaient invités à répondre les mal-lotis (et Dieu sait combien ils étaient nombreux) en apportant toutes précisions utiles sur leurs aspirations en matière de logement ainsi que sur les moyens matériels dont ils pourraient éventuellement disposer dans l'immédiat.
Jusqu'ici, le problème de l'habitat avait été évoqué beaucoup plus sur le plan théorique que dans le domaine des réalités et personne n'osait se risquer à proposer les solutions révolutionnaires imposées par la situation.'
Ainsi, une vague de scepticisme accueillit-elle l'initiative du C.I.L.M. encore que d'assez nombreuses réponses parvinrent à ses dirigeants oui purent en dégager les données moyennes. Mais les abstentionnistes avaient été les plus nombreux en croyant sage d'attendre et de voir venir. Il ne fallut pas longtemps pour les convaincre qu'ils avaient eu tort car le C.I.L.M. démontra rapidement qu'il était décidé à aller vite en besogne et aussi loin qu'il était possible, eu égard aux conditions du moment et aux résistances qu'il y avait à vaincre.
Et c'est cette belle histoire de la naissance quasi-spontanée d'un quartier et d'une véritable ville-satellite champignon que nous allons nous efforcer de conter à l'aide de quelques dates et de quelques chiffres évocateurs.



En préface à la constitution officielle du Comité Interprofessionnel du Logement, s'étaient tenues à Casablanca, les 23, 25 et 26 octobre 1950 sous la présidence d'honneur du Résident Général, les journées de l'habitat dont le rapport général fut présenté par M. Lambert-Ribot. Maître de requêtes honoraire au Conseil d'Etat, président du C.N.A H., venu spécialement de France nanti d'une précieuse expérience.
« D'une façon générale, y disait-il partout on a compris que l'attribution à chaque ménage d'un logement sain doit représenter une garantie contre l'aventure et constitue le meilleur placement au point de vue social et national ».
« Le Maroc, pays neuf et en plein essor, ne peut pas manquer de suivre une politique identique... ».

Le rapport général de M. Lambert-Ribot avait été précédé par les allocutions d'ouverture de :
MM. Dubois, en sa qualité de président du C.I.L.M.,
Marill, président de la Chambre de Commerce, et d'Industrie de Casablanca,
Girard, directeur des Travaux Publics au Maroc, dont la présence attestait l'intérêt que les administrations techniques apportaient à cette importante manifestation.
Pour mieux matérialiser l'appui des services résidentiels, le Secrétaire Général du Protectorat tint lui-même à en dégager les conclusions et il ne manqua pas d'affirmer qu' « une des premières préoccupations du Secrétaire Général du Protectorat est « de rechercher les moyens pratiques et techniques de résoudre «cet immense problème de l'habitat... » car « ...on ne saurait « concevoir que ce pays puisse trouver l'équilibre moral et social « des populations diverses qui le composent si l'on tolérait que « règne l’angoisse de la recherche d'un toit et de l'abri indispensable « .
L'illustration des journées de l'Habitat fut constituée par une exposition de plans et de maquettes dans les locaux de la Chambre de Commerce et par la visite officielle de 2 maisons expérimentales dont le C.I.L.M. avait posé la première pierre le 26 septembre précédent.

La « Cité des Jeunes » d'Anfa-Beauséjour forme :
Un vaste ensemble dont les premiers chantiers s'ouvrirent en mai 1952. Composée de 3 immeubles représentant 86 logements identiques, les plans en ont été particulièrement étudies. La surface intérieure de chaque logement (terrasse et buanderie déduites) est de 50 m2, et comprend une entrée desservant les pièces, une cuisine, toilette, living-Room de 24 m2 avec coin de repos, une chambre de 9 m2 et une terrasse de 5 m2. Avec les murs, balcon, terrasse et buanderie, la surface totale employée est de 78 m2. La construction est en béton, insonorisation transversale. Les cloisons sont montées sur socle de béton de liège.
Ont participé, parmi les entreprises, à la construction de ces immeubles, pour :
Les volets roulants : ARENA,
L’électricité : Forcelec,
La peinture : Halioua,
Les agglomérés et éléments préfabriqués : STIC.



La théorie du problème de l'habitat ayant été parfaitement définie par la compétence de nombreux techniciens groupes en différentes commissions, il fallait la faire entrer dans les faits et M. Dubois lança son appel en ces termes :
 « Messieurs, nous convions toutes les bonnes volontés, sans aucune restriction, à nous suivre dans la tâche gigantesque que nous allons nous efforcer d'entreprendre...il s'agit véritablement du problème social n° 1...
Les quelques journées consacrées à l'étude de ce problème permettent beaucoup mieux qu'une vague lueur d’espoir aux hommes qui attendent de nos efforts une vie plus heureuse dans l'ambiance d'un foyer plus harmonieux qui sera le leur « .
Cet appel, qui suscita tant d'espoirs, n'allait pas rester lettre morte. En effet, il en résulta, en décembre 1950, la constitution de la société anonyme des « Cités C.I.L. » ., au capital de 5.000.000 de francs, en vue de :
« Favoriser la construction de locaux à usage d'habitation à loyer modéré, avec le concours de l'Etat, des Municipalités, du Patronat et des intéressés eux-mêmes ».
Grace il l'appui officiel qui lui fut immédiatement accordé et aux souscriptions des plus importantes sociétés de la place, la société, conformément à ses statuts, se rendit acquéreur, le 1er septembre 1951, dans des conditions particulièrement avantageuses, d'un terrain situé à Aïn-Sebaa et dont la superficie ne couvrait pas moins de 52.000 mètres carrés. Ce terrain fut divisé en 75 lots à villas d'une superficie de 450 mètres carrés .et il était également prévu 4 lots il immeubles. L'équipement et la viabilité en étaient immédiatement entrepris et les premiers chantiers ne tardèrent pas à s'ouvrir, si bien qu'au 31 décembre 1952, soit un peu plus d'un an plus tard, 45 villas étaient en voie d'achèvement - les trois-quarts d’entre-elles étant habitées et le premier immeuble était livré à ses occupants. L'Etat avait apporté, pour sa part, une aide efficace à la société en lui consentant, à un taux très réduit, des avances à long terme et la Municipalité se chargea des travaux de viabilité. Cette double forme d'aide réduisit considérablement les charges des sociétaires qui voyaient enfin se réaliser le rêve merveilleux d'un logement personnel confortable.
Ce premier lotissement, baptisé « lotissement Germaine », a permis le recasement définitif, en un temps véritablement record de 650 personnes.

Forts de cette première réussite, les animateurs du C.I.L.M. s'enhardirent à voir plus grand. Usant de ruses de sioux pour déjouer les visées de la spéculation qui cherchait à s'immiscer sournoisement dans les opérations prévues, M. Dubois réussit un coup de maître qui consista à acheter, pour le compte de la société, un terrain de 320.000 mètres carrés d'un seul tenant au pied de la colline d'Anfa, dans une zone climatique favorable puisqu'elle est naturellement protégée des brouillards marins.
Le nouveau lotissement " C.I.L. - 1 " fut divisé en 371 lots de 350 à 600 mètres carrés, tandis que 11 lots étaient destinés à la construction d'immeubles de 5 étages. En outre, et pour répondre à une initiative de M. Gouin, industriel casablancais une formule spéciale fut mise spécialement au point sous la dénomination de " Cité des Jeunes" dont le développement était prévu sur 23.000 mètres carrés.

Ce vaste ensemble dont la création avait été lancée en janvier 1952, vit s'ouvrir ses premiers chantiers en mai 1952 et c'est ainsi que d'un terrain absolument nu, l'action décisive du C.I.L.M. fit surgir une ville-satellite où s'épanouit aujourd'hui une population euphorique.
Pour mesurer d'un seul coup d'œil l'étendue de cet effort, qui a surpris les Américains eux-mêmes, il suffit de se reporter aux deux photos qui illustrent cette étude et qui, prises exactement sous le même angle et du même emplacement (ainsi qu’il est aisé de s'en rendre compte par quelques repères), nous montre l'étonnante transformation, a dix-huit mois d'intervalle, de ce paysage urbain ou les statistiques révèlent que se fixeront plus de 4.500 habitants. Actuellement, 280 villas et 3 immeubles sont achevés.

D'autre part, pour répondre aux besoins de cette population, une zone commerciale comprenant notamment un marché d'une trentaine de stalles en dur (qui seront exploitées sous le contrôle municipal), une quarantaine de magasins de conception moderne, un cinéma, une brasserie-restaurant, etc.… est en cours d'édification. En outre, le rez-de-chaussée de deux des immeubles de la partie Nord seront réservés au commerce. Enfin, il est bien entendu que la cité disposera de son école.


Photo aérienne Flandrin.
(Extraits d'un article, paru sur l'album du Rotary-Club de. Casablanca, par Edouard Gouin, Vice-Président du Comité Central des Industriels).
1953, la ville satellite d'Anfa-Beauséjour et la cité des jeunes sont le témoignage des déclarations de M. Edouard Gouin.
« Du côté européen, l'année 1950 a été marquée par la création, à l'exemple de la Métropole, du Comité patronal interprofessionnel du logement (C.I.L.). Dans ce cadre, différentes initiatives patronales dont la plus notable est la « Cite des Jeunes » vont assurer un logement confortable et bon marché à près de 300 jeunes ménages et célibataires.
« Parce qu'aride, comme l'est tout bilan sincère, l'œuvre sociale accomplie par le Patronat français du Maroc n'est pas un mythe. Elle est considérable et qui plus est méritoire si l'on songe qu'elle a débuté « motu-proprio » en absence de toute législation sociale, et qu'elle s'est poursuivie malgré des résistances, des réticences et des incompréhensions inévitables.
« Aussi positif que soit son bilan, il ne saurait cependant constituer une fin en soi, car l'évolution constante de la technique et de l'économie donnent inévitablement naissance en l'ordre social à des problèmes auxquels de nouvelles solutions doivent sans cesse être proposées.
« Mais rien ne nous autorise à penser, bien au contraire, que les Industriels Français du Maroc ne sauront, alliant à leur dynamisme un profond désir de paix sociale, et une volonté tenace de progresser, rester Fidèles aux principes qui les ont guidés jusqu'ici. »


Les premières villas construites grâce au C.I.L. Furent édifiées à Ain Sbaâ.
Notre photographie représente les villas exécutées par les établissements RENAUDAT pour loger leur personnel.

Le gros-œuvre a été réalisé par la CEGA.



Pour compléter le programme qu'il s'est tracé, le C.I.L.M. a entrepris, la création d'un centre d'habitat marocain.
La Cité marocaine de Sidi-Othman prévoit la réalisation de 232 logements de 2 pièces et dépendances à rez-de-chaussée, 116 logements d'une pièce et dépendances à rez-de-chaussée et, 232 logements répartis dans des immeubles à étages. 8 boutiques seront, en outre, édifiées, pour être louées au profit de la société.
Afin de ne pas entraîner de charges trop lourdes pour les firmes intéressées, un système ingénieux de financement prévoit que les actions qui formeront le capital seront libérées à 50% de leur valeur par un versement immédiat, tandis que le complément en sera échelonné sur 5 ans. Mais il convient d'ajouter qu'a cette participation des actionnaires se conjugue un emprunt à long terme amortissable par les loyers, le montant de cet emprunt devant être au moins égal des actions afin de permettre la couverture intégrale des dépenses envisagées pour l'édification de la nouvelle cité.
D'ores et déjà, d'importantes sociétés, au nombre desquelles il faut citer la Compagnie Sucrière Marocaine (COSUMA), l'Auto-Hall, Astral Cellulo, etc.… se sont réservées d'importantes surfaces pour le logement de leur personnel marocain. La COSUMA, en particulier, y poursuivra son vaste programme d'habitat ouvrier qui compte déjà des réalisations remarquables dans les propres dépendances de ses usines.
Il faut souhaiter cependant que d'autres industriels suivent cet exemple et accordent une large adhésion à ce mouvement dont la portée sociale n'a guère besoin d'être soulignée.
Vue de la maquette de l'immeuble à étages constituant une expérience de l'adaptation aux conditions de la vie moderne des marocains. Cet immeuble sera élevé dans la cité Marocaine de SIDI-OTHMAN.

On voit suffisamment, par tout ce qui précède, que le C.I.L.M. a parfaitement répondu à son objet. De tels résultats, qui suscitent l'enthousiasme, auraient dû normalement conduire à une extension de son programme. Or, il semble que l'action du C.I.L.M, soit actuellement freinée car il lui est devenu difficile de trouver, dans le périmètre urbain de Casablanca, des superficies suffisantes pour convenir à la création de nouvelles zones d'habitat.
L'œuvre du C.I.L.M., qui a su apporter les germes d'une vie intense à des secteurs jusqu'alors déserts, est trop nécessaire pour qu'on ne lui donne pas les moyens de poursuivre une œuvre dont les premiers résultats ont été si fulgurants, alors que le développement démographique de la cité tend régulièrement à s’accroître et fait surgir de mois en mois des besoins renouvelés.













lundi 16 juillet 2018

CASABLANCA des arbres et des fleurs.













Il y a quelques années seulement Casablanca n'avait pour plaire que son ciel bleu, son océan agité, ourlé d'écume, sa rade de velours peuplée de voiles et de paquebots, l'intensité de sa vie cosmopolite et déjà cependant elle retenait les hommes comme ces femmes, qui savent inspirer de grandes passions. 
Et pour faire de Casablanca une belle ville, pour tempérer l'éclat brûlant de ses murs trop blancs, corriger la rigidité de ses horizons, compléter et adoucir son charme naturel, il ne manquait à cette naissante cité qu'une pure parure : des arbres, des fleurs.

Sur ce sol apparemment aride, l'homme, le Français surtout, souffrant intensément du bannissement de l'arbre, a compris qu'il ne suffisait pas de créer autour de lui de la richesse, mais que l'existence ne serait vraiment bonne que si elle se déroulait dans un cadre de beautés naturelles.



Des locaux au Parc Lyautey.
Il n'a pas voulu que Casablanca, porte du Maroc, offre au touriste, à son débarquement, la désillusion d'une ville sans décor. Il a demandé des promenades pour ses enfants, de la verdure pour le repos de ses yeux, un peu de fraîcheur bienfaisante pour le délassement de son corps et de son esprit. Mais c'est à peine si la banlieue casablancaise, pauvre, nue, conserve quelques plantes vivaces : figuiers aux torsions fantaisistes, cactus aplatis, gras et épineux, aux formes étranges, aloès aigus, dentelés, rigides, palmiers nains, rabougris et poussiéreux, lentisques épineux et rébarbatifs. Cependant, dès les premières pluies d'automne, la terre se couvre avec une hâte merveilleuse d'un tapis herbacé multicolore : soucis jaune orange, iris bleus, narcisses blancs, scilles violets, glaïeuls rouges, etc.

Casablanca. Le Jardin Public.
En quelques jours, en quelques heures devrais-je dire, dans le bled vaste, monotone, fatigant, hostile, surgit un paysage gai, varié, doux et accueillant.
C'est sur ce sol tour à tour riche et ruiné, endormi un semestre par an sous la torpeur du soleil brûlant, transformé magiquement par la moindre ondée, que le Français, en qui chante toujours la poésie des grands jardins et des plaines verdoyantes de la patrie, voulut répandre la douceur de frondaisons d'Europe.
Le premier jardin public devait naître, en 1912 près du port. Il a, en quelques années, réalisé heureusement les espoirs de ses créateurs. Certes ce n'est pas un parc aux allées soigneusement ratissées, aux plates-bandes géométriques garnies de ces fleurs rares qui font la gloire des plus délicats adonistes.



Mais dans un désordre artistique le mimosa se pare d'or, le myoporum aux feuilles luisantes voisine avec l'olivier au teint mat, l'eucalyptus brandille au moindre souffle ses feuilles effilées, le bellombra capricieux étale ses branches tordues au-dessus des arums au col rigide, des géraniums multicolores, des leucanthemums immaculés, des strelitzias extravagants, de ces nombreuses fleurs, communes sous tous les cieux, qui n'ont rien des brillantes azalées ou des orgueilleuses orchidées mais dont les teintes rutilantes sous l'intensité de la lumière marocaine forment un ensemble élégant et gracieux.
Le succès est le meilleur stimulant. Cet îlot de verdure dont la superbe végétation s'étend sur un hectare fut le début d'une œuvre de longue haleine, activement poursuivie. 
Aujourd'hui les jardins et les parcs publics surgissent comme si la baguette même de Flore présidait à leur épanouissement.





C'est le square de la Subdivision où grandissent les ficus roxburgis aux larges feuilles caoutchoutées, aux racines aériennes, le palmier phœnix vigoureux et imposant, les massifs enchevêtrés de rosiers, d'altéas, de plumbagos, de dracaena aux feuilles en lame d'épée qui semblent des touffes de cheveux hérissés coiffant un tronc nu et rugueux.








Le Parc de La Subdivision.
C'est le jardin de Sidi Bou Smara discrètement caché dans la ville indigène, qui encercle le tombeau d'un marabout à qui les musulmanes soigneusement voilées viennent en files ininterrompues demander la santé pour leurs enfants.
C'est le parc Murdoch créé par un ami des arbres, acheté ensuite par la Municipalité, qui domine la Ville et dont les multiples aspects évoquent la fraîcheur, la grâce, la douceur, le calme des jardins paysagers de la France méridionale.
Casablanca.    Parc Murdoch. (Murdoch et Buttler étaient des hommes d'affaires anglais installés au Maroc début de siècle).

Le promeneur étonné y découvre à travers les palmiers qui bordent l'allée principale la pelouse verdoyante où de bruyants bambins jouent sur des monticules de sables, l'allée, couverte par le cyprès de Lambert, où des recoins discrets offrent au rêveur une exquise tranquillité, des pergolas magnifiques et parfumées garnies de rosiers grimpants rouges, roses, blancs, de solanums sarmenteux, de buddléias aux longs épis à l'odeur de miel.
Ici les cyprès et les ifs droits, élancés, en robe de deuil, se marient au robinier étalé et tortueux, rose ou blanc. Plus loin, les feuilles glauques de l'eucalyptus voisinent avec les aiguilles de l'araucaria à port pyramidal. Et sous leur ombre ou à leur côté, l'hibiscus précieux pour sa rusticité et la beauté de ses corolles rouges, le romarin buissonneux, le flexible genêt d'Espagne, le capricieux pois de senteur font assaut de couleurs et de parfums, noyés dans une abondante floraison de pétunias.


A courte distance le square Abbé de l’Épée, commencé en 1923 sur un terrain complètement nu, couvre deux hectares de ses frondaisons déjà épaisses et les minuscules rameaux confiés à la terre élèvent maintenant leurs tiges à plusieurs mètres vers le ciel. Blotti au pied de la colline de Mers-Sultan, au bas des Nouveaux Hôpitaux en construction, il offrira aux malades l'agrément de ses pelouses ornées de massifs verts et fleuris, de ses allées spacieuses aux courbes minutieusement étudiées, du contraste obtenu par un heureux mélange de feuillages diversement colorés. Parc de promenade et de repos où le souffle frais des brises embaumées calmera la fièvre des malades, où l'arbre en vivifiant l'atmosphère apportera à la science un concours invisible mais précieux.


Et voici le Grand Parc conçu par un urbaniste qui eut les honneurs du prix de Rome. Placé au centre de Casablanca, couvrant 12 hectares, il abrite un stade d'athlétisme richement encadré de géraniums aux couleurs vives, entouré et dominé par une promenade délicieusement ombragée sous la voûte de faux-poivriers à grappes de fruits rouges, aux feuilles finement découpées. Les tribunes se cachent sous une légère pergola construite avec les moellons d'une ancienne prison portugaise, vêtue de bougainvillées aux bractées violettes magnifiquement décoratives.



Casablanca. La Pergola au Stade Lyautey.
Sur toute l'étendue de cette immense plantation, en voie d'achèvement, de vastes parterres de fleurs aux couleurs vives, sertis d'un ruban de lantanas orange, jettent une note éblouissante dans la teinte sombre des ficus, palmiers, bananiers, bigaradiers ou grenadiers toujours verts...
A côté de cette flore africaine les arbres d'Europe, peupliers aux cimes élevées, bouleaux argentés, micocouliers gris, forment des massifs d'essences à feuilles caduques entrecoupées de tamaris, pittospores, brachychitons, mélange agréable de plantes des deux continents, toutes débordantes de sève vigoureuse, d'un développement extraordinairement rapide.

Sur toute l'étendue de cette immense plantation, en voie d'achèvement, de vastes parterres de fleurs aux couleurs vives, sertis d'un ruban de lantanas orange, jettent une note éblouissante dans la teinte sombre des ficus, palmiers, bananiers, bigaradiers ou grenadiers toujours verts...

A côté de cette flore africaine les arbres d'Europe, peupliers aux cimes élevées, bouleaux argentés, micocouliers gris, forment des massifs d'essences à feuilles caduques entrecoupées de tamaris, pittospores, brachychitons, mélange agréable de plantes des deux continents, toutes débordantes de sève vigoureuse, d'un développement extraordinairement rapide.




L'effort administratif ne s'est pas seulement manifesté par la création de parcs publics où plus de 40000 arbres ou arbustes sont actuellement en pleine végétation. Un boisement forestier de 23 hectares a été achevé récemment dans le périmètre même de la ville, à une lieue du centre. Vingt kilomètres de rues ou de boulevards se parent de palmiers, acacias, schinus, parkinsonias, pruniers pissardi, sophoras, peupliers, eucalyptus ou bellombras.




Casablanca. Jardin public de la subdivision.

L'initiative privée complète heureusement ce mouvement en faveur de l'arbre. La Société d'Horticulture aménage aux portes de la Ville un immense jardin vallonné, avec d'agrestes massifs boisés, des pelouses multicolores, des pièces d'eau artificielles et, en toute saison, une floraison abondante et variée, véritable architecture où l'harmonie des couleurs le dispute au charme des parfums.
Les villas se dissimulent peu à peu sous une profusion de plantes grimpantes débordant les pergolas et les murs et, dans les jardins particuliers, les plus avisés propriétaires renouent et continuent sur la terre marocaine l'agréable tradition des jardins à la française.

Casablanca. L'Hotel de Ville et Les jardins de La Subdivision.


Casablanca n'est donc plus une ville blanche, il suffira maintenant de quelques années d'efforts pour noyer la cité dans une féerie de couleurs, la couvrir de ces jardins merveilleux que les légendes placent dans le voisinage de l'Atlas et qu'évoquent encore les conteurs arabes sur les places publiques.