mercredi 21 février 2018

L'Evolution de La Construction à Casablanca.

1950
Ce grand corps qui étire sans cesse ses tentacules vers l'intérieur des terres pour « se donner de l’air » risque l'asphyxie.
Malgré les énormes volumes bâtis, malgré l'ampleur des rues et des boulevards, on ne peut plus se loger, on ne peut plus circuler à Casablanca.
Cette fulgurante croissance semble avoir subitement pris de court les conceptions les plus audacieux des techniciens les plus avertis. Mais quand il y va de la vie d'une cité comme Casablanca, il n'y a pas d'astreinte, pensons-nous, à laquelle ne soient décidés à se soumettre ses habitants pour arriver à ce but qui Finalement représente la prospérité de tous.
Photo aérienne G.Durand
  1950, le théâtre est resté semblable à lui-même, mais quelle transformation dans le décor urbain qui l'environne. La banque d'état fait face au square de la bibliothèque, l'immeuble de France-auto a augmenté le nombre de ses étages, l'avenue D'Amade est bordée d'immeubles sur ses deux côtés. Et l'on distingue à gauche, de plus en plus écrasé entre les constructions nouvelles ; l'ancien hôtel des services municipaux, qui abrite maintenant le conservatoire de musique.


Le premier Urbaniste qui s'est occupé du Plan de Casablanca fut Monsieur Prost.
 En 1916-17, il fit approuver un premier projet, projet déjà tardif car la bourgade de Casablanca avait franchi les limites de ses murs d'enceinte et il fallut redresser bien des anomalies.
  Le plan Prost fut pour l'époque vu très largement. En substance prenant pour base la Place de France (et plus exactement cette tour de l'Horloge aujourd'hui disparue qui fut à sa construction en 1909 le point km. 0, ce plan prévoyait un développement de la ville en éventail centré Place de France, d'où un accès large et facile était ménagé vers le port, ce port déjà en construction et conçu dès le départ pour devenir géant.
 Certes actuellement le plan Prost est largement dépassé et les avenues et rues de Casablanca nous semblent étriquées mais qui eut pu prévoir en 1916 que 35 ans plus tard cette ville connaîtrait des immeubles « colossaux « s’étageant de 10 à 18 étages et que fin 1949 le centre minéralogique de Casablanca signalerait l'inscription de 50.000 véhicules depuis l'origine dont plus de 20.000 depuis 1947.
  
Photo Chelle
  La photographie ci-dessous montre l'aspect qu'avait la place de France en 1928. Le marché de 1912 a disparu. Quelques arbres et une station de fiacres, la tour de l'horloge, le mur des remparts, avec pour toile de fond la mer, composent un décor de vie familier aux yeux du nouveau venu qui, il y a vingt ans, s'attardait à la terrasse de la brasserie Majestic ou du Roi de la Bière, et, de tous ses yeux, découvrait l'orient casablancais

Le plan de Casablanca de l'Urbaniste Prost se concevait ainsi :
1°) de la Place de France partent un certain nombre d'artères radiales donnant accès aux routes vers l'intérieur. Ces artères aboutissent au Boulevard du 4ème Zouaves qui dessert le Port.
Ces voies prennent les noms de :
-Boulevard de la Gare (vers l'Est).
- Boulevard Général d'Amade, Boulevard Moinier (vers le Sud-Ouest).
- Boulevard du 2ème Tirailleurs (vers le Nord-Ouest).
2°) Délimitant l'éventail et unissant à leurs extrémités ces artères radiales, un large boulevard de ceinture, dénommé à l'origine Boulevard Circulaire (actuellement Boulevard de la Résistance Française, Boulevard Maréchal Foch, Boulevard Maréchal Joffre). Ce boulevard de ceinture était prévu pour délimiter initialement les quartiers urbains proprement dits.
3°) A l'intérieur du centre urbain de larges transversales complétaient le tracé en toile d'araignée centré Place de France (actuellement Boulevard de Lorraine, Boulevard de la Liberté, Boulevard Leclerc, etc.)
4°) Toujours à l'intérieur du Centre Urbain indépendamment de la Place de France, deux grands espaces sont réservés.
-L'un (actuellement la Place Lyautey) rassemblera sur sa périphérie les immeubles groupant les organismes administratifs d'où le nom de « Place Administrative » qui lui est donne à l'origine.
-L'autre proche du précèdent est un espace de verdure (le parc Lyautey).
5°) Les Etablissements d'enseignement et hospitaliers étaient sur le plan excentrés pour des raisons d'hygiène et d'extension future prévus sur la périphérie le long ou au-delà du Boulevard Circulaire (Lycées, école israélite, Hôpital Colombani, Hôpital Mauran).
Le virus qui ronge l'urbanisme au Maroc « Spéculations sur les terrains » devait apporter rapidement des perturbations au plan Prost primitif.

Photo B. Rouget
  Au premier plan, le parking de la place de France qui ressemble du matin au soir, à un salon de l'automobile à ciel ouvert. A gauche, quelques fiacres, ou calèches, ou carrossas, dont l'existence est menacée et qui rendent des services pourtant aux touristes, désireux de voir les cent-un-visages de Casablanca autrement que par la portière d'un taxi. Au deuxième plan, à gauche, on distingue le commencement du boulevard du 4ème Zouaves. Placée devant l'imposant immeuble Moretti, la banque d'état du Maroc est devenue le siège de l'association des anciens combattants. Elle est appelée à disparaître comme la C.T.M. sa voisine. L'hôtel Excelsior est dominé par les échafaudages de la BNCI. à droite, le début du boulevard de la Gare, d'où débouche un autobus presque parisien. Cette photographie a été prise au début de 1950, en quelques mois la physionomie de la place de France a encore changé . L'immeuble de la BNCI. est en cours de surélévation et comprendra lorsque les travaux seront terminés 17 étages..

Dans le périmètre urbain les terrains libres sont nombreux par suite de leurs prix qui s'élèvent rapidement ; les terrains hors périmètre sont recherchés par les petites bourses.
Tant bien que mal, plutôt mal que bien le centre ouvrier du Mâarif se construit. L'assainissement de ce nouveau quartier est rendu nécessaire et doit faire l'objet d'un projet d'urbanisme dont la réalisation est rendue onéreuse par une voirie donc l’établissement n'avait été précédé d'aucune étude technique.
Vers 1916, la construction du Palais de S.M. le Sultan au sommet de la colline de Mers Sultan et au-delà du Boulevard de la Grande Ceinture amène un décentrement de l’agglomération marocaine restée jusqu'alors dans les limites de l'ancienne médina clôturée de remparts.

En 1920, la Municipalité se rend acquéreur de terrains bordant la route de Marrakech en arrière et au Sud du Palais de Sa Majesté. La nouvelle Médina qui s'établit sur cet emplacement est le premier exemple d'une adaptation de l'urbanisme aux besoins des Marocains. On a su y concilier pour les autochtones le respect des traditions avec celles de l'hygiène et du bien-être.
Photo aérienne CAP
  En 1930, le quartier de la place de France se dessine, mais la rue de l'horloge en est l'artère principale. Elle prend naissance devant la tour du même nom, entre la gare routière de la CTM et la banque d'état, d'une part, et l'hôtel « Excelsior » d'autre part. La place proprement dite n'est que l'élargissement de l'avenue D'Amade. On la voit bordée d'une palissade derrière laquelle un jour s'affaireront les démolisseurs. Devant cette palissade, à droite, la brasserie Majestic, flanquée d'un cinéma, (invisible sur la photo) ou chanta Marie-Dubas. A gauche, de l’autre cote de l'amorce du boulevard de la gare, le restaurant du « roi de' la bière », flanqué lui aussi d'un cinéma. Au deuxième plan on voit l'immeuble du « Grand-Bon-Marché », et le terrain vague maintenant couvert d'immeubles, à l'emplacement occupe par l'usine du Dr. Veyre en 1914.

En 1921, c'est la création du quartier industriel (Roches Noires) à l'est, ou dès 1914 l’usine à Ciment « Palmier Lafarge « puis en 1920, la Centrale Thermique de l'E.E.M. furent les premières pierres de cette industrialisation qui s'étend aujourd'hui bien loin vers le Nord-Est.


35 ans se sont écoulés depuis l'établissement du plan primitif de Monsieur Prost.
Les mêmes causes qui ont fait s'étendre la ville démesurément dès l'origine subsistent toujours. La « Spéculation sur les terrains » et les prix prohibitifs de ceux du centre de la ville font que la périphérie s'étend, alors que le centre montre encore sa lèpre de palissades clôturant des terrains vagues. Tandis que les derniers immeubles compris dans le périmètre central Prost s'étagent toujours plus haut 18 étages l'immeuble Liberté, dernière construction de la Place de la Révolution on voit tout à côté ces terrains nus qui ont toujours surpris les nouveaux arrivants à Casablanca.
Photo aérienne G.Durand
Au premier plan de cette photographie, le boulevard de la Résistance Française, que coupe le boulevard de la gare dont on suit le cheminement presque droit jusqu'a la place de France. A droite, au deuxième plan les bâtiments et les cours de l'école « Augustin Sourzac », qu'on appelle aussi école de « la Foncière » et qui fut construite en 1916. L'on reconnait aussi, tout près de l'école, le stade Philip, et, plus loin, dominés par l'immeuble Assayag, les terrains de l'ancien cimetière sidi Belyout, où M. Erik Labonne, dès 1930, voulait faire pousser des gratte-ciels. Au dernier plan une fort belle vue sur le port et sur la ville.

Qu'est devenu le Plan Prost ?
L'établissement en éventail de la ville autour de son port subsiste, les branches de l'éventail se sont allongées et le périmètre municipal s'est déplacé.
L'intérieur du périmètre que délimitait le Boulevard Circulaire a conservé sa structure. Cette toile d'araignée s'est complétée par les aménagements des rues. Ce quadrillage intérieur a fait l'objet d’études menées à bien par le service du Plan de la Ville.
Une modification importante a été cependant décidée vers 1931 par Monsieur Eirick Labonne alors Secrétaire Général du Protectorat de 1928 à 1932.
  
Photo Prandino
L'avenue D'Amade. Lorsqu'on aperçoit Casablanca d'en haut qu'on soit à bord d'un avion ou plus simplement au dernier étage d'un building l'œil découvre une ville immense faite de blancheurs et de verdures. Le vert et le blanc sont les deux couleurs de Casablanca.

Pour permettre d’améliorer l'accès au Port il est décidé de désaffecter le cimetière Marocain de Sidi Belyout. La création du Boulevard Pasteur et du Boulevard de la République (en cours de construction) est décidée.
En 1944 Monsieur Courtois, architecte D.P.L.G-G.P.R., Grand Prix de Rome est chargé par le Protectorat d'établir un nouveau plan d'urbanisme.
Photo Prandino
  En 1948, on a construit à Casablanca plus de 3.000 Bâtiments parmi lesquels 433 villas et 197 immeubles de rapport. Leur valeur totale approche 8 milliards. En 1931, année qui marque le sommet du boom de l'entre-deux-guerres, la valeur des immeubles construits atteignait 300 millions. Si l'on tient compte des fluctuations de la monnaie et de la rareté de certaines matières premières, on constate que le développement de Casablanca a repris un rythme qui est comparable a celui d'avant 1939, et qui s’accroît régulièrement depuis la libération.

Le Plan Courtois qui prévoyait tout en conservant les réalisations du plan Prost, une excellente répartition des zones, centre des affaires, centre des transports, zones industrielles, zones de verdurespromenades Nord de l'Océan, etc… réalisait un système de circulation qui devait résoudre le problème du dégagement des chaussées à grande circulation.

L'importance des dépenses qu’occasionnaient certaines réalisations de ce plan (Gare de voyageurs souterraine, avenue d'Amade en souterrain sous le Parc Lyautey, etc.) les difficultés des expropriations amena la Municipalité de Casablanca à renoncer à son exécution.
Photo aérienne G.Durand
   Des terrains vagues et des maisons qui poussent... Non, ce : n'est pas une vue de Casablanca en 1928. Cette photographie, prise en 1950, montre une partie du quartier de bourgogne et des nouveaux immeubles construits par l'office de l'habitat européen. A droite et au centre, trois groupes de villas WATES, derrière les premiers buildings de gauche, on distingue l'école du boulevard Joffre, la garderie et la nouvelle poste, plus loin, l'immeuble de la caisse d'aide sociale. Cette fois, on est relativement loin du centre de la ville, de la place de France et du port. Le fleuve bordé d'arbres au centre de la photographie est le prolongement du boulevard Joffre, transforme en boulevard Foch. Ces artères formaient autrefois le boulevard circulaire qui prétendait fixer la limite du développement de la ville.

En 1949 Monsieur Ecochard, Chef du Service de l'Urbanisme au Maroc se penche sur le plan de Casablanca et diverses retouches sont approuvées.
-Élargissement de l'Avenue d'Amade (largeur portée de 22 à 30 ml)
-Prolongement de l'avenue de la République vers l'Ouest à travers l'ancien Mellah.
-Élargissement du Boulevard d'Anfa.
-Déplacement des Boulevard Fayolle et du 2ème Tirailleurs et un plan dit du « Grand Casa» est mis à l'étude, etc...
Les services du Plan de la ville de leur côté ne restent pas inactifs et tandis que les aménagements des rues se poursuivent ils font accepter entre autres les projets :
-De l'élargissement de 10 ml du Boulevard des Crêtes
-De l'élargissement de 20 ml de la route des Ouled Zyane et de diverses ouvertures de rues.
Enfin la Direction des Travaux Publics réalise aux abords de Casablanca l'autoroute qui reliera les diverses voies convergeant de l'Intérieur vers Casablanca.
Routes de Mazagan. Foucauld. Marrakech. Camp Boulhaut. Rabat.
Cette autoroute en arc de cercle autour de la ville permettra aux véhicules principalement aux camions qui passaient obligatoirement dans le centre de Casablanca d'éviter la ville.

Par ailleurs, les routes vers l'intérieur sont aménagées pour un trafic toujours plus important.



En philligramme. Photo Chelle.
Graphique du montant des constructions de 1918 à 1945. La photographie représente la vue aérienne de Casablanca en 1918.

Si l'on examine le diagramme des investissements déclarés pour la construction, on constate que les fluctuations suivent celles de l'Economie Générale Marocaine, et que les crises de la Construction correspondent aux dépressions de la vie économique générale.
Au cours de ces cinq dernières années la construction s'intensifie. Il y a lieu cependant de tenir compte que les chiffres ci-après sont affectés par suite des hausses influençant le coût des constructions d'un coefficient d'augmentation des valeurs de 25 à 30 par rapport à celles du graphique des années 1942 à 1945.
1946 :                   1.632.563.725.                      1947 :     4.537.166.000.
1948 :                   7.231.540.000.                      1949 :     9.431.800.000 francs.

Une règlementation prévoyant les dimensions et hauteurs minimum des pièces d'habitation, l'obligation d'installations sanitaires répondant aux besoins d'hygiène a permis de doter Casablanca d'immeubles modernes et confortables.
Les architectes et les entrepreneurs ont dû faire face à de nombreuses difficultés :
-Difficultés techniques : une grande partie de Casablanca est bâtie sur des terrains que minent et inondent des courants d'eau souterrains (l'Oued Bouskoura notamment). Il fallut poser les immeubles sur des assises très importantes, cuveler les caves pour empêcher l'eau de les envahir, etc…
-Difficultés par manque de personnel qualifié.
-Difficultés d'approvisionnements, de manque de moyens de transports, de manque d'énergie au cours des années de guerre et des périodes qui ont suivi, etc...

Malgré tous les obstacles malgré tous les aléas rencontrés, Casablanca a été dotée d'immeubles qui forcent l'admiration pour le modernisme de leurs réalisations.

Ces immeubles à ossatures en béton ou métallique comportent des installations « up-to-date » : ascenseurs et monte charges souvent multiples, canalisations dissimulées, courant force pour frigidaires et cuisinières, menuiseries, souvent métalliques mais depuis longtemps menuiseries bois à serrures encloisonnées, etc... Dans les plus récents, ont été réalisées les vides ordures à incinération, le chauffage central à mazout et l'un des tout derniers construit, possède un chauffage par rayon infra-rouge.

Photo Maistre et Picaud
Travaux de construction à l'angle du Boulevard de La Gare et de La Place de France. Lorsque les travaux seront terminés, l'immeuble de La BNCI comprendra 17 étages.

Casablanca est certainement une des villes qui a adopté et exécuté l'immeuble de conception moderne.
On peut considérer que l'on trouve dans Casablanca 4 catégories d'immeubles d'habitation.
1°) A rez-de-chaussée ou 1 étage. Ce sont ceux construits en général au début de 1908-1915.
2°) A 3 étages à loyers modérés. Ce sont les immeubles de construction économique, n'ayant pas la servitude de l'ascenseur. Ils furent construits principalement jusqu'en 1938 dans les quartiers jugés à cette époque comme excentrés (Mers Sultan Foncière - par exemple).
3°) De 5 à 6 étages à ascenseurs. Ce sont les immeubles du Centre du Plan Prost et plus tard ceux des quartiers la Foncière et Mers Sultan.
4°) Les immeubles « Géants » 10-12 étages, le dernier 17 étages.

Photo aérienne G.Durand
Casablanca. Comme paris, a plusieurs centres. En voici un, qui s'appelle la place administrative ou, mieux, la place Lyautey. On aperçoit la statue du créateur du Maroc moderne qui fait face au monument de la victoire (à l'extrême droite, au dernier plan). A gauche de la statue de Lyautey, la façade des services municipaux. Derrière elle. Le palais de justice. Si vous préférez « lire » cette photographie autrement, prenez la rue Gallieni qui commence en bas et à gauche, passe devant la banque commerciale et conduit à la Grande Poste, dont on n'aperçoit qu'une partie, l'ensemble du bâtiment étant presque masqué totalement par la banque d'état. Il est facile aussi de reconnaître le toit du théâtre municipal et celui de la bibliothèque contiguë et également municipale.

Ces immeubles ne sauraient être bâtis que sur des points particuliers devant de larges espaces vides, comme les places ou parcs. On les rencontrera bordant le boulevard Circulaire (boulevard Foch et de la Résistance), Place de France, sur le tracé de la large avenue de la République ou encore face du Parc Lyautey. .


En 1938, les quartiers de villas étaient nettement délimités et les servitudes empêchaient dans ces quartiers, l'établissement d'immeubles de Rapport.
La guerre et l'extension de la ville devaient bouleverser ces quartiers dont les villas font peu à peu place à des immeubles.
Les nouveaux quartiers extérieurs d'Aïn Diab, de l'Oasis, de l'Aviation, de Beauséjour, de France-ville, des Crêtes, du Polo, de l'Hermitage, Ont Vu dès que les matériaux ne furent plus contingents se bâtir de très nombreuses villas.
Les statistiques indiquent au cours de ces quatre dernières années les chiffres ci-après pour les autorisations de bâtir obtenues.
Photo Jaques Belin
Vue Générale de Casablanca

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La demande en locaux commerciaux bien qu'inférieure à celle des logements est énorme. Alors que le bail d'habitat connaissait le blocage du prix du loyer et l'impossibilité d'une transmission, le bail commercial connaissait des facilités qui incitèrent les spéculateurs à construire

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Casablanca a bénéficié, comme l'ensemble du pays, au cours des années succédant à la guerre, de l'apport des capitaux industriels qui ayant foi en l'essor du Maroc et fuyant les trop lourdes charges fiscales de la Métropole ont cherché à s'employer.
Le quartier industriel de Casablanca, vit se bâtir d’usines de toutes sortes, huileries, fonderies, usines d'emballages, usines métallurgiques, conserveries, parcs de stockage de carburants, etc... Tandis que les installations anciennes augmentaient d'importance (usine des Chaux et Ciments « Lafarge Palmier », usine Thermo-Electrique de l'E.E.M., de la Cie Sucrière, etc.)
Le nombre des établissements classés autorisés qui était en 1934 de 159, est passé en 1938 à 514 et en : 1949 à 2035.

Photo Flandrin
Le nouveau quartier d'Ain Chock construit sous la direction de l'Office Chérifien de l’Habitat  Indigènes sur la route de Marrakech a donné un coup sérieux aux bidonvilles qui, cependant continuent à vivre et prospérer. D'une superficie de 300 hectares, ce quartier pourra abriter 150 à 200.000 habitants, c’est une nouvelle ville, une nouvelle démonstration d’urbanisme adaptée aux coutumes marocaines.

Photo Flandrin
La liberté des taux des locations dans les médinas, et les demandes importantes de logements ont incité par ailleurs, les marocains à bâtir des logements spéculatifs.
La nouvelle Médina s'est étendue de part et d’autre de la route de Marrakech, entre les routes de Ben-Msick et le parc de l'Hermitage, allant rejoindre en profondeur Ain Chock.

Aux recensements :
De 1936 : Casablanca compte 72.762 Européens et 184.664 Marocains,       soit 257.426 habitants ;
1er mars 1947 : Casablanca fait ressortir une population de 120.762 Européens, 430.560 Marocains,   soit 551.322 habitants ; de 1936 à 1947, les accroissements de population sont donc les suivants :

66. % pour les Européens,                  133,2 % pour les Marocains.


Cet accroissement est constant, et il est probable qu'en cette fin d'année 1950, le chiffre de 800.000 habitants est atteint sinon dépassé avec entre autre 150.000 européens.
L'accroissement des populations, l'extension de la ville posent des problèmes de voiries, de distribution d'eau et d'électricité, de transports. Les Services de la Municipalité et les Services Concédés poursuivent sans relâche le soin d'apporter des solutions à ces problèmes. Les quelques chiffres qui suivent donnent une idée de l'effort constant des services intéresses.
Pour les transports en commun, les lignes des Tramways et Autobus de Casablanca (TAC) dont la longueur du réseau était de 31 kilomètres en 1926 est passée à 60 kilomètres en 1949, le nombre de voitures de 26 à 102 pendant la même période, et les voyageurs transportés de 5.416.000 à 25.860.000.

Cette brève énumération toute éloquente qu'elle soit n'est cependant que l'expression d'une insuffisance notoire pour faire face à tous les besoins du flot sans cesse montant d'une population qui s'agglutine dans cette cité moderne.


Ce plan, dont chaque carré représente 500 mètres de côté, montre l'extension qu'a prise la ville nouvelle autour de l'ancienne Médina, que l'on distingue sur le plan. Du quartier des roches noires, à gauche, jusqu'aux rochers d'El Hank, à droite, les terrains se sont couverts d'immeubles et d'usines. On voit nettement sur ce plan la première « ceinture » extérieure qu'on avait prévue pour Casablanca : Boulevard de la résistance française, Boulevard Foch et Boulevard Joffre. Les progrès de la ville européenne et ceux de la nouvelle Médina ont vite fait craquer cette ceinture, et la cité d'Aïn-Chock, par exemple, ne figure pas sur ce plan.


..
Le bref, trop bref aperçu qui précède conduit irrésistiblement à une conclusion : Casablanca dont la conception originale paraissait audacieuse et démesurée est devenue en moins de vingt ans d'une insuffisance déconcertante.

Partout il faut s'étendre, s'agrandir, surélever.
Le visiteur abordant Casablanca accoudé au bastingage du paquebot ou regardant au travers du hublot de l'avion, ne peut qu'être saisi d'admiration devant l'ampleur de cette réalisation. Vue sous certains angles, cette cité a réellement une allure impressionnante, et à notre connaissance, aucune cité au monde n'a germé avec une telle rapidité sur une si grande superficie.
Malgré les énormes volumes bâtis, malgré l'ampleur des rues et des boulevards, on ne peut plus se loger, on ne peut plus circuler à Casablanca.
Cette fulgurante croissance semble avoir subitement pris de court les conceptions les plus audacieux des techniciens les plus avertis.
Les insuffisances du passé n'ayant plus cours, il ne faut penser qu'à l'avenir, à l'avenir immédiat, car la vocation de Casablanca ne fait pas de doute, ce sera, c'est déjà, un des dix premiers ports du monde, et ce port impose une ville à sa mesure.
A Casablanca, plus de 10.000 familles européennes sont présentement pas ou mal logées, quand nous disons pas logés, nous entendons habitant des garages ou des caves, quelquefois pire, par mal logés, nous voulons dire simplement 4, 5 ou 6 personnes par pièce.
Les bidonvilles périphériques et divers ilots dits insalubres abritent une population marocaine dont le chiffre croissant sans cesse dépasse sans doute 50.000 âmes.
Grandeur et misère de Casablanca, cité immense mais pleine de « trous » ou des immeubles somptueux sont mitoyens de terrains vagues qui le resteront peut-être toujours. 
Ces terrains ayant atteint des valeurs fabuleuses (les prix de New York sont dépassés). Aussi sans le remaniement de certains règlements, est-il difficile de penser pouvoir édifier des constructions exploitables là où le m2 se paie au prix du lingot d'or, ou presque.
Et cependant, il faut continuer à Construire.
Construire, cela ne veut pas dire seulement élever des maisons ou des immeubles, mais cela suppose tout d'abord qu'ont été résolus les épineux problèmes des expropriations ou des achats de terrains, puis la voierie, les égouts, l'eau et l'électricité. Ensemble de conditions hors de proportion et, démesuré avec l'effort financier qui peut être consenti par une municipalité.
Et pourtant, il faut que la population puisse se loger et que soient décongestionnées les artères de la ville. Sur ce dernier pointles aménagements urbanistiques en cours ou en instance permettent de sérieuses espérances.
Casablanca, vouée par le sort au rang de grande cité internationale se trouve face à face avec un programme d'aménagement gigantesque.
Tôt ou tard, c'est-à-dire bientôt.
Il faudra déplacer l'aéroport actuel non conçu pour le trafic d'aujourd'hui et encore moins pour celui de demain.
Cet aéroport sera d'ailleurs bientôt ceinturé par les habitations qui déjà se pressent à ses abords.
Il faudra créer, puis desservir de nouveaux quartiers excentriques, certains d'ailleurs jaillissent déjà du sol à cadence accélérée.
Il faudra que de grandes artères extérieures à trafic rapide jouent le rôle de « trop plein » pour la circulation.
Il faudra que des moyens de transport appropriés facilitent l'évacuation des zones industrielles vers la lointaine banlieue ainsi rendue aisément habitable.
Fédala n'est-il pas d'ailleurs déjà intégré par nos urbanistes dans le grand Casablanca.
Programme d'avenir sans doute, mais de proche avenir, auquel il faut à la fois songer tout en entreprenant la réalisation immédiate et progressive.
Tout ceci est parfaitement résumé dans le « leitmotiv » : « CONSTRUIRE ». Construire sans délai et sans trêve, nous savons bien quels angoissants problèmes financiers cela pose pour un gouvernement avisé.

dimanche 11 février 2018

Le Port de Casablanca




Le Port de Casablanca
Que beaucoup de Casablancais ignorent


Photo aérienne G. Durand

Au centre de cette belle photographie, l'imposant édifice des docks-silos de la chambre de commerce et d'industrie de Casablanca ressemble à une cathédrale des temps modernes. A sa gauche, l'avenue qui conduit en ville ; à sa droite le môle du commerce, plein d'activité et de hangars. Au dernier plan, se pressent les maisons basses de la ville marocaine, toutes surprises du spectacle que leur offre chaque jour et chaque nuit ce port inattendu.

La ville de Casablanca, on l’a dit souvent et on peut le répéter puisque c'est vrai, tourne le dos à l'Atlantique. Au contraire de Tanger, havre naturel où la mer occupe dans le décor la place principale, Casablanca offre à ses habitants et à ses visiteurs un visage essentiellement urbain. Pour constater que cette ville est aussi un port, il faut faire l'ascension de la tour des Services Municipaux ou regarder l'horizon par les fenêtres d'un appartement situé au 19ème étage. Alors la physionomie maritime de Casablanca se révèle. L'étendue de son port apparaît et les bâtiments, les quais et les navires qui le peuplent.


 Photo aérienne G. Durand

Encadré par la grande jetée, à gauche, et par le môle des phosphates, à droite, voici le port de Casablanca tel qu'en lui-même le génie de Lyautey l'a changé. Au premier plan la vieille Médina encore partiellement ceinturée de remparts. A gauche au deux plan, l'amirauté et ses services. A droite, au deuxième plan, les magasins de la manutention marocaine. Au dernier plan, à droite le faubourg industriel des roches-noires, en direction duquel l'agrandissement du port est projeté.


Le voyageur qui est arrivé par mer à Casablanca n'a pas eu le désir ni le temps de voir ce port. Au petit jour, par le hublot de sa cabine, il a aperçu une côte noyée dans la brume et quelques constructions peu à peu dorées par le soleil. Mais l'arrivée du bateau, l'accostage, les derniers pourboires et les premières formalités accaparent le nouveau venu. Par la portière du taxi qui l'emmène « en ville », c'est à peine s’il jette un regard distrait sur les terre-pleins, les magasins, les marchandises qui s'entassent, les ouvriers qui s'affairent. Pour percevoir, il faut savoir, dit un philosophe.

Le nouveau venu ne sait pas encore, ne connaît pas l'histoire du port de Casablanca, il ne peut donc le percevoir tel qu’il est, et en saisir tout de suite le sens et la grandeur.

Il manque aussi à Casablanca ; ainsi l'ont voulu la Nature et les urbanistes : un boulevard front de mer ou puisse se promener le visiteur, une fois débarrassé de ses bagages et de ses soucis d'arrivée. C'est pourquoi la première façon de connaître le port de Casablanca, ce n'est pas de retourner le voir sur place, mais de le chercher dans des livres. Plusieurs ouvrages existent, d'épaisseurs variées, qui retracent son histoire et permettent d'en observer avec une surprise teintée d'admiration la naissance et le rapide développement.

Photo Chelle

Les romains qui naviguaient moins que les grecs mais qui avaient une certaine expérience des choses de la mer avaient donné à la cote marocaine un nom qui lui convenait parfaitement « (lutus importuosum ». C’est à dire la cote impropre à la construction de ports. Les premiers bâtisseurs du port de Casablanca ont vérifié cette redoutable impropriété, qu'illustrent la photographie ci-dessous et celle qui qui est qui est au dessus, qui représente le naufrage d'un bateau lors ; du raz de marée de 1913, où plusieurs navires furent jetés à la cote


 Photo Chelle

                                                                                                                                                

Après les études faites en 1905 par M. Renaud, Ingénieur hydrographe en chef de la Marine, la création d'un port de batellerie fut décidée. Les finances marocaines ne pouvaient envisager la construction d'un port pour les grands navires, en raison de la nature des fonds, de la grosse houle d'hiver, et surtout du raz-de-marée aux dangereuses lames brisantes.


Construction des blocs pour le port. 

Le hasard qui fait parfois bien les choses, et qui accepte d'ailleurs d'être aidé, nous a fait retrouver un article du « Temps » du 07 août 1907. On peut faire figurer ce texte parmi les actes de naissance du port de Casablanca, ainsi que le montrent les passages suivants :

"Casablanca fut toujours un des centres commerciaux les plus actifs pour les peaux et les laines, et son importance s'accrut encore le jour où le gouvernement chérifien cessa d'interdire l'exportation de certains produits, et particulièrement les céréales ; aussi il n'est pas rare de voir pendant l’été une quinzaine de vapeurs à l'ancre devant la ville. Ce n'est pas qu'ils y trouvent plus de facilités ou moins de dangers que sur les autres points de cette côte inhospitalière, mais Casablanca est le débouché des produits des vastes plaines centrales du Maroc, et elle n'a cessé de voir augmenter le nombre des navires qui la visitent et le chiffre de sa population".

"Loin de se préoccuper d'améliorer les conditions déplorables que la nature imposait au commerce maritime d'une des villes les plus prospères du Maroc, le Maghzen n'eut pendant longtemps d'autre désir que de voir les choses rester en cet état, parce que c'était un puissant obstacle à la pénétration du pays et que tous ses efforts visaient à la rendre impossible".

"Cependant, sur la demande formelle et répétée des représentants des puissances, qui ne cessaient de lui transmettre les doléances de leurs nationaux fixés à Casablanca, le sultan. Moulay Hassan ordonna quelques améliorations, et l'on commença la construction d'une petite jetée en maçonnerie ; mais ce travail, entrepris sans études préalables, fut abandonné dès qu'on en constata l'inutilité. Les choses continuèrent donc à aller comme par le passé, et même de mal en pis, puisque l'encombrement augmente toujours et que l'absence de tout abri naturel ou artificiel condamne à ne faire le transbordement des marchandises qu'avec de petites barcasses indigènes qu'il faut haler au sec chaque fois que la mer devient mauvaise".

.On ne peut même pas avoir un nombre suffisant de ces barcasses, tant à cause de l'emplacement exigu dont on dispose, que du peu de hâte avec lequel on remplace celles qui se perdent, assez fréquemment d'ailleurs. D'autre part, l'unique petit quai d'embarquement ne communique avec la ville que par une porte étroite et basse, percée dans l’enceinte ; les magasins de douane sont mal situés, à demi obscurs et de dimensions suffisantes".

« Bref, de l'avis de tous les négociants, et même des fonctionnaires marocains qui sont quotidiennement assaillis de réclamations, de demandes d'indemnités, etc. La situation est intolérable et l'on comprend que des pétitions se soient succédé sans interruption contre cet état de choses. ».

Les premiers travaux commencèrent effectivement le 2 mai 1907. Interrompus par les événements du mois d’août de la même année, ils reprirent bientôt sous le signe de la paix française que les Drude, d'Amade et les Moinier firent régner à Casablanca et dans les Chaouïa. Mais il fallut la signature du traité du Protectorat et l'esprit d'initiative de Lyautey pour que la construction d'un grand port moderne fut décidée et menée ci bien, malgré tous les obstacles.


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Les premiers travaux du port, devant les remparts de la vieille Médina, étaient gènes souvent par la tempête, et la voie ferrée recouverte par les eaux. Il fallut, pour réussir, que les constructeurs eussent au cœur le même « AES TRIPLEX » qu’Horace prête aux premiers navigateurs.


Photo prise par l'enseigne de vaisseau Bérenger.

Août 1907... La plage de Casablanca est déserte. Les fanatiques ont fui, ou sont en train de piller la ville. Les corps des victimes de ces journées tragiques ont été transporté au consulat de France. Seule reste au bord de l’Océan la petite locomotive que des fanatiques ont fait dérailler après avoir massacre les ouvriers


Photo prise par l'enseigne de vaisseau Bérenger.




 Photo Chelle
Voici en 1921 dans un décor beaucoup plus moderne le port qui s'organise et qui se développe à l'abri de la grande jetée, se prolongeant dans l’Océan, à droite, à l'avant-dernier plan.


Aujourd'hui le port de Casablanca occupe une surface d’environ cent hectares. Il est protégé par la grande jetée ou jetée Delure, du nom d'un des meilleurs adjoints de Lyautey, longue de 2.600 mètres et par la jetée transversale longue de 1.545 mètres. Le principal caractère de ce port et de servir à des multiples fins, car il est à la fois port de commerce, port de voyageurs et de touristes, port de pêche port militaire, port charbonnier, port pétrolier, et peut-être un jour port franc, si les efforts de quelques hommes d'action aboutissent.

Comme l'a dit M. Henri Croze, dans une conférence très documentée faite devant ses pairs de la Chambre de Commerce et d'industrie, « l'activité du port de Casablanca est constante et tout laisse prévoir qu'elle prendra dans l'avenir un développement accru. C'est pourquoi le Gouvernement du Protectorat, en plein accord avec la Chambre de Commerce et d'Industrie, poursuit sans interruption, les travaux d'aménagement el d'agrandissement du port ».

Les projets d'agrandissement actuellement à l'étude comprennent :

a) La création de l'avant-port.

b) L'allongement de la grande jetée.

c) La création d'un bassin .de radoub.


Photo Entreprise Schneider
Au premier plan à droite, le jardin public. A gauche une maison qui sera démolie pour faire place à l’Amirauté. Au deuxième plan le port qu'on commence à construire après l’adjudication du 21 mars 1913.


L'avant-port consiste en la création d'une nouvelle jetée transversale d'une longueur de 1.500 mètres sensiblement pareille à la jetée transversale actuelle dont elle sera séparée par une distance de 1300 mètres environ.

En même temps, sera poursuivie, jusqu'au point 3 km. 500 la construction de la grande jetée dont la Longueur actuelle atteint 2.600 mètres. De ce fait, la superficie nouvelle du port se trouvera accrue de 195 hectares environ.

La moitié de cet avant-port sera réservée à. la Marine Nationale, l'autre moitié étant affectée aux besoins du Commerce.



Photo aérienne G. Durand.
Cette belle photographie illustre la boutade d'un marin de haut rang qui disait un jour. « Le port de casa manque d'eau « On voit en effet le nombre important des quais, l'ampleur des magasins et des constructions de toutes sortes nécessaires a la vie d'un port moderne. Mais ce marin a raison, et c'est pourquoi selon des projets dont l'étude très avancée, le port de Casablanca s'étendra un jour du côté des Roches Noires, quartier industriel dont on distingue les usines et les fumées au dernier plan.

Un projet est en cours, tendant à créer une forme de radoub à l'intérieur du vieux port, à l'endroit dit « Darse de la Marine ». Sa longueur sera de 140 mètres. Le délai d'exécution probable sera de 4 ans. Les dépenses prévues sont de l'ordre de 400 millions. L'Administration envisage d'en donner la concession à une Société privée groupant entre autres ; S.A.G.A., Chantiers Navals, Compagnies de Navigations diverses, etc..


Photo Belin


Pour mener à bien ces travaux nécessaires, on aura besoin d'argent, qu'on se procurera soit par des taxes portuaires, soit par emprunt, soit par ces deux moyens à la fois. M. Lacoste, ministre plénipotentiaire, délègue de la Résidence générale, et M. Fourmon, directeur des Finances, qui se sont penchés sur cette grave question au mois de novembre dernier, ont quitté le Maroc. Mais le problème demeure, qu'il faudra résoudre.

En attendant, pour oublier ces soucis de financement et d’équipement, faisons une promenade à l'intérieur du port. Pour arriver à la petite darse où nous attend la vedette, nous traversons une véritable ville de hangars, d'entrepôts et de chantiers navals, où circule un peuple de dockers, d'ouvriers et de douaniers. Nous découvrons des rues inattendues sillonnées de lourds camions. Bientôt la vedette sort du petit port et pénètre dans le bassin Delande ou, à l'abri de la grande jetée, les navires accostent le mole du Commerce, dominé par le haut édifice des Docks-Silos. Entre le mole du Commerce et la jetée des Phosphates s'étend le bassin Delpit ou meurt la houle du large. Énormes et immobiles, des bâtiments de tous pays attendent près des quais. D'autres, n'ayant pu trouver la place d'accoster, sont ancrés plus loin, protèges par les deux jetées. La vedette va et vient dans ce havre immense et peuplé, où l'odeur du mazout se mêle aux senteurs du large.

Photo B. Rouget

Toute la Poésie d'un Port, toute sa puissance de rêve et d'évocation, toute sa « photogénie » est résumée dans cette vue du port de Casablanca, ou l'on voit tout. Les chaines, les grues, les bateaux, les hommes, les hangars, les docks. Tout sauf la mer qui se cache, comme un metteur en scène, pour mieux régler les décors et les acteurs


Puisque le ciel est bleu, et la houle faible, la vedette gagne le large. Elle franchit, un peu secouée, la frontière qui sépare l'Océan du port, et nous apercevons bientôt la nageoire dorsale d'un requin qui fend l'onde à toute vitesse. Autour de nous, « la mer, la mer toujours recommencée ».

La ville et le port ont disparu dans la brume qui borde la côte. Mais ces réalités surgissent de nouveau, actives et présentes, lorsque la vedette vire et se dirige vers l'horizon humain. Un nouveau visage du port s'impose aux regards, et de cette courte promenade, nous gardons la conviction d'avoir découvert une vraie ville maritime, inconnue de la plupart des Casablancais.

Le souvenir nous en poursuivra pendant plusieurs jours et nous comprendrons mieux les vérités qu'annoncent et que décrivent brièvement les rubriques maritimes des quotidiens locaux...