Voici sa
biographie telle que la donne le grand écrivain Andalou Ibn el Khatib.
« Hafça,
Bent el Hadj Rakouni, originaire de Grenade ; était la perle de son époque, par
sa beauté, sa grâce et son esprit railleur. Elle était nourrie de lettres, fort
intelligente, avait la répartie spirituelle, et une improvisation facile dans
la poésie.
Le vizir
Abou Bakr ben Yahya rapporte à son sujet, ce qui suit :
« Ma
sœur voulut faire une visite à Hafça pour lui demander un autographe, et notre
poétesse lui écrivit ce distique «:
« O
reine de beauté ou plutôt reine de bonté,
« Que
tes yeux ne soient pas sévères pour ce qu'a tracé ma plume !
«
Examine le d'un regard d'amie bienveillante.
« Ne
fais pas attention à la médiocrité de mon écriture et de mon style ».
Un
certain auteur du nom d’Abou el Hassan ben Saïd nous conte que ledit vizir
était dans ses bonnes grâces de Hafça et qu'une forte sympathie les inclinait
l'un pour l'autre.
A Houz-el-Moum
‘mil, dans un jardin, Abou Bakr et son amie passent la nuit comme savent le
faire les gens d'esprit et de lettre-. Il lui déclame ces vers :
« Donc
Dieu perpétue le souvenir de cette nuit.
« Il n’aura
pas éternisé le souvenir d'un temps blâmable
« Qui
nous déroba à tous les regards, à Houz-el-mou ‘mil.
« Du
côté de la colline, arrivaient des senteurs,
« Et
la brise, en soufflant, apportait le parfum des œillets.
« Un
tourtereau chanta dans le grand arbre
« Et
un rameau de myrte plia au-dessus du ruisseau.
« Le
jardin a paru tout joyeux de ce qui s'y passait :
« Accolades,
embrassements et baisers humides qui allaient suivre ».
Elle lui
répondit par ceux-ci :
«.
Par ta vie, le parc n'eut pas de joie à notre union,
« Mais
il manifesta comme une haine secrète et de la jalousie.
« La
rivière ne murmura pas pour applaudir
« À
notre rapprochement et le tourtereau ne roucoula que par suite de sa triste.
«
N'aie donc pas bonne opinion (de tout) tu mérites
« Cependant
que tout soit comme tu t'en fais l'idée
« Car
cette opinion n'est pas en toutes occasions, conforme à la vérité.
« Il
m'a semblé que le ciel ne s'est allumé d'étoiles que, pour qu'elles nous
épiassent.
«
Qu'elle est jolie cette lettre rimée.
Ajoute
l'auteur qu'elle lui adressa lorsqu'elle sut que son ami, épris d'une esclave
noire qui-lui fut amenée d'un certain Ksar, consacrait à cette dernière des
nuits et des jours dans les environs de. Grenade, sous de grands ombrages, dans
les plaisirs de l'amour, tantôt longs, tantôt courts !
« Ô
le plus fin des hommes, avant d'être dans un état
« Dans
lequel le sort l'a jeté.
« Tu
aimes donc une négresse d'un teint aussi sombre que la nuit.
« Tout
ce qu'a de merveilleux la beauté est voilé.
« La
gaieté ne peut apparaître sur ses traits ténébreux,
« Mais
non, plus la pudeur n'y peut être remarquée.
« Par
Dieu, dis-moi
« N'es-tu
pas le plus averti de ceux qui ont parcouru les rives des cours d'eau.
« Qui
ne s’est jamais promené dans un jardin où il n'y avait
« Ni
fleurs blanches, ni fleurs aux couleurs éclatantes.
Il lui
répondit s'accusant le plus galamment, et usant de toutes les finesses de la
rhétorique.
« Il
n'y a pas eu d'autre arrêt qu'un ordre que s'abstint
« De
transgresser celui dont la faute est pardonnable.
« Qui
l'a prononcé à un visage dont dépend ma vie ;
« J’en
abriterai le contour par des remparts.
« Il
est rayonnant telle une radieuse matinée de fête,
« Ou
un lever de soleil ou de lune.
«
Mais par malchance, je n'ai pu lui exprimer mon affection
« Que
clans une altercation dont le bruit s'est répandu.
«
J'ai perdu mon amie, et ma passion s'est assombrie.
« Mon
esprit et mon regard ont vu les choses à l'envers.
« Si
tu ne me jettes un coup d'œil ô toi si chère, ô mon
« Âme,
comment mes idées ne s'égareront elles pas « ?
Une
fois, il s'était enfermé, avec ses familiers, pour une partie de plaisirs.
S'étant déguisée, Hafça passa à la porte et remit au concierge un billet avec
ce distique :
« Une
visiteuse est venue ; elle a les flancs graciles
« De
la gazelle et elle désire s'unir à son ami.
« Lui
donneriez-vous l'autorisation d'entrer ou quelque
«
Empêchement s'y opposerait-il ?
Quand il
reçut la missive, il s'écria :
Par le
Dieu de la Kaâba, l'auteur ne peut en être que la moqueuse Hafça ! Il la fit
demander et elle fut introuvable. Il lui écrivit ces quelques vers, tant il
était désireux qu'elle arrivât pour se délecter à sa société.
«
Quelle occupation m'empêcherait-elle de recevoir
« L’aimée,
dont la venue fut aussi éblouissante pour moi que le lever du soleil ?
«
Viens, donc, toute pleine d'affection ! Je te désire plus
« que
la réalisation de tous mes vœux. Depuis combien de
« Temps
me remplis-tu d'attente.
« Par
le plaisir, la boisson prise le matin ou la soif,
« Est-elle
délectable, si tu t'éloignes de moi.
«
Non, je le jure par le joug de l'amour et la joie de la rencontre ;
« Et
c'est le plus cher des chemins qui y conduit »
Elle
était, dit l'auteur, le professeur de ce temps et à la fin de sa vie, elle
enseignait les femmes dans le palais d'Yacoub El Mansour. Ce dernier, un jour,
lui demanda d'improviser quelques vers. C'est ce qu'elle fît.
«
Faites-moi la grâce de me donner une pièce officielle
« Où
se trouvera assurée ma vie matérielle.
« Que
ta main droite y écrive : Louange à Dieu seul. »
Il se
montra généreux à son égard et lui assura comme biens propres tout ce qu'elle
possédait.