Consulat de France et Poste française un jour de Courrier |
Bastion de Sidi Allal El Kairouani |
LA VILLE DE CASABLANCA
Telle que l'a vue le
DOCTEUR WEISGERBER
Le
voyageur qui en 1950 découvre Casablanca admire cette immense ville
blanche, frémissante d'activité et de force, comme un jeune géant qui n'a pas achevé,
loin de là, sa prodigieuse croissance. Mais si l'actuel est admirable, le récent
passé est encore plus étonnant. Pour bien comprendre ce qu'est la ville de
Casablanca, il faut savoir ce qu'elle était il y a cinquante ans à peine.
Dunes, Piste de Rabat et Ruines de Ksibat Errahmani. (Emplacement approximatif de La Rue Georges Mercier) |
Grace au Dr. F. Weisgerber, nous
pouvons effectuer cette plongée dans le temps, nous pouvons, en lisant ses
livres à la fois savoureux et pleins d'enseignements nous représenter la
petite bourgade de Dar Beida telle qu'il l’a vue de ses yeux en 1897.
Dans « Casablanca et les Chaouïa en
1900 » comme dans « Au Seuil du Maroc moderne » , le Dr. Weisgerber a réuni
ses souvenirs et ses jugements. Homme d'action et homme de pensée, l'auteur ne
nous offre pas un sec résumé de son expérience marocaine, il ne se borne
pas à des croquis schématiques, il ressuscite littéralement le passé.
Voici,
quelques-uns des passages les plus significatifs, de ces deux livres, illustré
avec des clichés, que l'auteur lui-même avait choisis pour ses ouvrages.
Voici
d'abord la ville et ses habitants, peu nombreux mais d'origines variées :
Casablanca
tout entière tenait alors dans l'enceinte de ses murailles.
Elle
comptait environ 25.000 Marocains dont un cinquième d'Israélites, et une
colonie européenne femmes et enfants compris, d'approximativement 500 têtes,
dont 400 Espagnols, une trentaine de Français, autant d'Anglais et d'Allemands
et une dizaine de Portugais et d'Italiens.
Bab El Marsa. Porte de La Marine |
C'était,
après celle de Tanger, la colonie européenne de beaucoup la plus importante du
Maroc. Presque tous ces Européens parlaient en plus de leur langue nationale,
l'arabe et l'espagnol.
La
ville se divisait en trois quartiers : autour du Dar el Maghzen.
*La Médina, quartier de la bourgeoisie musulmane, des consulats européens et
de leurs ressortissants et des familles israélites aisées ; le, long des remparts
de l'Est, au nord de Bab el Kébir. (Porte aujourd'hui disparue près de
la Tour de l'horloge).
*Le quartier juif ou Mellah.
*Le
quartier au nord d'une ligne allant à peu près de la porte de Marrakech à Sidi
Allal el Karouani, les Tankers, quartier composé presque exclusivement
de nouallas en roseaux ou grouillait le prolétariat indigène originaire
des tribus voisines ou du Sous.
«
La ville était placée sous l'autorité d'un Gouvernement Civil et militaire qui
était à la fois caïd de Casablanca et de la tribu des Médiouna. Le titre
de pacha ne fut introduit par le protectorat que plus tard.
Bab El Kébir ou Bab Es-souk |
Le
bout de rue qui conduit au Consulat d'Espagne et la petite place triangulaire
qui le précède ; à côté de la maison de l'agent sanitaire maritime, le Circulo
del Progreso aujourd'hui le Petit-Riche.
En
face, un salon de coiffure espagnol, lieu de réunion presque aussi fréquenté
que le cercle, et la maison de Don. Manuel A. propriétaire de ce qui est
devenu depuis la ferme Amieux, puis la ferme expérimentale, qui doit valoir
aujourd'hui de nombreux millions et dont alors il ne trouva pas preneur pour 20.000
pesetas.
Au
fond de la petite place le Consulat d'Espagne et à côté, précédée d'une
petite impasse, la maison du médecin attaché au Consulat.
La Douane. Place de L'Amiral Philibert |
«
Presque tout le reste de la vieille ville s'est bien transformé depuis lors. Le
tracé des rues est resté à peu près le même ; mais ces rues étaient
alors bordées de murailles aveugles ou ne s'ouvraient que les portes
rébarbatives des maisons et, çà et là, quelques sordides échoppes ou l'entrée
de quelque fondouk où s'entassaient les peaux, les laines et les
céréales amenées par les caravanes.
Aucun
balcon et très peu de fenêtres. Pleine de poussière en été, d'une boue noire et
fétide en hiver, les artères, même les plus importantes, étaient en tout
temps jonchées d’immondices : on appliquait le système du « tout à la
rue ».
Aucun
éclairage public, la nuit venue, on ne circulait plus qu'avec des lanternes,
faute de quoi on s'exposait à recevoir un coup de fusil d'un assas ou à
quelque autre désagrément comme celui qui m'advint une nuit ou je rentrais un
peu tard, du cercle de l'Anfa.
Place du Commerce. (Campagne de Céréales) |
Comment vivait-on dans cette ville et
quelles distractions s'offraient alors aux Européens ? La réponse à ces
questions nous est donnée par le Dr. Weisgerber en ces termes :
Angle de La Médina et Sidi Belyout. (BD du 4ème Zouaves et BD Pasteur) |
« Aussi les Européens avaient-ils tous
une écurie bien montée, indispensable à tous ceux qui avaient à se déplacer.
Ils pratiquaient entre eux une large hospitalité et s'entendaient à merveille à
tirer du pays toutes les distractions qu'il pouvait leur offrir. Le reste du
temps, ils attendaient le courrier. .
L’ancêtre des Eucalyptus de Casablanca. Approximatif BD de Paris, Cercle des Officiers) |
Piste des Ouled Hariz. (Avenue D'Amade) |
Ce jeu, réserve aux jeunes gens, consistait, en passant au triple galop sous une sorte de potence, dressée au bord de la piste, à enlever des anneaux garnis d'un flot de rubans qui y étaient suspendus. Les gagnants s'attachaient les rubans à l'épaule gauche en attendant d'en faire hommage aux jolies spectatrices en manches à gigot.
« A partir du mois de juin, la plage,
aujourd'hui disparue, se couvrait de tentes pour la saison des bains de mer. »
Cultures Maraîchères. (Site approximatif Place Administrative) |
Dans la vaste forêt des Souallem que traversait la piste côtière
de Casablanca à Azemmour, j'ai pris part, avec les Ouled Hariz et les Ouled
Zyane, à des chasses au cours desquelles, en huit jours, on tua une
centaine de sangliers, sans compter les renards, les chacals et le menu
gibier Ce n’est pas un tableau digne de figurer dans les meilleurs récits
cynégétiques que nous clorons cette évocation du Casablanca d'autrefois.
Piste de Rabat. (BD Pasteur) |
Ses livres devraient être lus par tous
ceux qui arrivent à Casablanca, et par tous ceux, Français et Marocains qui
cherchent en toute objectivité, à mesurer le chemin parcouru et l'ampleur
de l'œuvre accomplie. Pour notre part nous ne voulons pas d'autre conclusion
à ce luminaire.
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