jeudi 28 décembre 2017

CASABLANCA.CONTRASTES

CASABLANCA.CONTRASTES

1950
Nous présentons les pages qui suivent, sous les auspices de ceux qui ont travaillé et qui travaillent encore le mieux à la prospérité, à l'embellissement, à la renommée de Casablanca.
Le rapprochement des photographies prises en 1912 avec les photographies actuelles, assure le caractère de l'œuvre française au Maroc ; et l'on est amené à rendre hommage sans réticence à ceux qui ont cru au destin de cette grande ville et qui, sans un instant de découragement ou même de lassitude, ont contribué à lui garder en l'améliorant son rang de capitale moderne.
Casablanca est la porte du Maroc, cette porte a été construite par la France et, en style français, pour permettre la pénétration facile dans un pays qui, de lui-même, n'avait jamais senti le besoin d'une porte sur l'Occident.

Les grandes lignes du port sont déjà nettement dessinées sur cette photographie qui a été prise en 1930. Les docks-silos de la chambre de commerce et d'industrie de Casablanca sont en voie d'achèvement. Quelques grues, provenant des « réparations », jalonnent le môle du commerce, face au bassin Delpit. Au premier plan le boulevard Moulay Youssef bordé de palmiers croise le boulevard d'Anfa. Si l'on part de la droite de la photographie, en suivant l'avenue du général Moinier, quelque peu sinueuse, on longe le petit lycée Lyautey et on arrive à la place de France, au-delà de laquelle on voit les vastes terrains du cimetière de Sidi-Belyout et Sidi Maârouf, séparés de la vieille Médina (à gauche) par le BD du 4ème Zouaves

Le Boulevard de La Gare



Photo Chelle



1948. Photo Flandrin



L’entrée du BD de la Gare, sur La Place de France n’a cessé de changer d’aspect. En 1911, on y voit un hôtel « Royal » devant lequel posent des français, guêtrés et moustachus.


  En 1948, des immeubles l’encadrent, au sujet desquels, les architectes n’avaient pas dit leur dernier mot. Comme le montre ci-dessous en 1950.







  Le Boulevard de La Gare              
 Photo Chelle
 Photo Chelle
   






Photo Flandrin










L’illustration ci-dessus montre le BD de La Gare, qui après 1920, commençait à se « meubler ».
Au 1er plan, à droite, l’immeuble de la Société Générale. Plus loin, l’immeuble du Petit Poucet, qui s’amorçait alors par un panonceau moins gastronomique. On devine l’emplacement occupé par « La Vigie Marocaine » et l’on voit les constructions basses qui seront remplacées par La Bourse du Commerce.
Enfin, l’immeuble Bessonneau, construit en 1920, se signale par sa taille imposante en face du Marché Central.



Quant à l’illustration ci-contre, elle évoque ce qu’était ce même BD en des temps que nos enfants n’hésiteront pas à qualifier de Préhistoriques.

  Le Rond-point Mers-Sultan

                             Photo Flandrin                            
 On voit presque inchangé, le « Café Mers-Sultan » surmonté des panneaux du cinéma « VOX ». Au centre le BD de Lorraine qui se transforme en Rue Reitzer, aboutit au Parc Lyautey dont on aperçoit les frondaisons.
  Au premier plan, Le fameux rond-Point Mers-Sultan orné d’un jardin tantôt circulaire tantôt ellipsoïdal ou la circulation à midi pose des problèmes presque insolubles.

  Le BD de Paris

  Photo Verdy






Le BD de Paris a fait son plein d’arbres et d’immeubles.
Près du cercle militaire à gauche se trouve l’arrêt du Trolleybus qui conduit au Derb Sidna, dans la Nouvelle Médina.
L’immeuble à gauche, au 2ème plan, s’élève là où se trouve le chantier de l’illustration ci-dessous.







 
 Photo Chelle 
  
Cette illustration est du carrefour de la Rue Blaise-Pascal, (qui s’appelait alors Rue de Bouskoura) et du BD de Paris, qui se prolonge, après le chantier, par la Rue de Marseille. Au 3ème plan, la masse imposante de L’Hôtel Majestic.
A droite, au 2ème plan, le commencement du BD Leclerc.



Le Quartier PALMIER
Photo Chelle

Photo Flandrin
Solitaire comme un infortuné navigateur abandonné dans une île déserte ;
Un palmier dresse sa haute taille au-dessus d’un morne horizon. Mais ce palmier a droit aux honneurs de l’illustration. Il a donné son nom à l’un des quartiers les plus riants de Casablanca, entre Mers-Sultan et la Mâarif, quartier de blanches villas, de rues tranquilles, et de beaux jardins où l’on goûte la douceur de vivre à quelques centaines de mètres de la ville trépidante, et où nul ne se souvient, sauf quelques vieux Marocains du désert de naguère.                                                                                                                     
  La Rue de L’Horloge
 
 Photo B.
Cette illustration toute récente date pourtant déjà. La Rue de L’Horloge avant qu’on ait institué le sens unique. 
Des voitures stationnent et des porteurs bavardent à l’endroit où poussaient les herbes et les palmiers du Bled.


                                                                                                                                                                                                               






  Photo Chelle
La Rue de L’Horloge avait beaucoup de palmiers, au temps où elle n’était pas tracée. 
Le Bled commençait à deux pas de la Place de France. Et si La Tour du Commandant Dessigny n’était pas là pour nous renseigner, nous nous ne croirons jamais que cette illustration est de Casablanca jadis.

                                                                                                                                            La Douane
  
 Photo Chelle
 Casablanca, à l’époque où les douaniers du Port portaient le casque colonial, et où leurs bureaux « s’abritaient dans une baraque en planche ».

 
Photo Prandino

                                                                                                           

A côté des Docks-Silos, qui ressemblent ici à un building, aux nombreux étages, se trouvent les bâtiments de la Douane en 1950. Les hangars, les grues et les mats des navires, tout signifie que l’on est dans un grand Port. Un Port tel que pouvaient l’imaginer dans leurs rêves les plus audacieux                                                                                     

 La Grande Poste

 
Photo Prandino
Avant 1912, le service des postes au Maroc était assuré surtout par bureaux étrangers, dont les collectionneurs recherchent les timbres. Les bureaux anglais ont subsisté à Casablanca jusqu’en 1938. Avant 1912, on avait recours aussi pour transporter les dépêches aux services des « Rekkas », qui étaient des Marocains habitués à franchir de longues distances à une vitesse étonnamment rapides.
Ce passé pittoresque est remplacé par l’organisation impeccable de l’Office Chérifien des PTT.
Photo Chelle
En 1950 Casablanca possède déjà 3 Bureaux de Poste dans la ville européenne, un dans la Nouvelle Médina, un dans les faubourgs des Roches Noires, 2 agences au Mâarif et à Beauséjour. 
A titre indicatif, les Casablancais ont eu le téléphone automatique avant les Parisiens.

 L’intérieur du 1er Bureau de Poste Casablancais. Qui fut tout de suite fort achalandé.



Rue Gallieni

 Photo Chelle

Des broussailles, des arbustes, des figuiers, tel se présentait en 1915, le quartier situé approximativement entre la Rue Gallieni, le BD de Paris et L’Avenue D’Amade. Sur l’illustration, on distingue le fameux Théâtre Municipal « Provisoire », au fond l’Hôtel des Postes, au 1er plan à droite, un baraquement qui forme une partie du Lycée des garçons.                                      
 
Photo Chelle

La Banque Commerciale du Maroc

  


1930, La Banque Commerciale du Maroc qui suit de très près le développement économique de Casablanca, s’adresse à M. Marius Boyer, l’un des architectes les plus en vue de l’époque, pour l’établissement du futur immeuble qui abritera son siège social. Les travaux commencent immédiatement, La Rue Gallieni va prendre un nouveau visage





Photo Chelle




  


1950. La Rue Gallieni est une des artères les plus animées de Casablanca. Au 1er plan l’immeuble de la B.C.M. ressemble à un Casbah moderne et domine par son architecture sobre et élancée des constructions qui seront bientôt surélevées.

La Rue du Général Moinier


Photo Chelle








1914. Étriquée, Poussiéreuse, Suffocante.Sale...Voici la Rue Moinier.


Photo. Audissou










1954. 40 ans plus tard, Une Avenue large et animée, bordée de magnifiques immeubles qui évoquent l'ordre et la joie de vivre.

lundi 25 décembre 2017

La Vie Musulmane à Casablanca

La Vie Musulmane à Casablanca


1950.  
L'UN des contrastes qui frappe le plus le nouveau venu à Casablanca est la juxtaposition de la ville médina et du quartier moderne de la place de France. Assis à la terrasse d'un des cafés qui bordent cette place, l'on aperçoit, tout près, les petites maisons de l'ancienne Dar el Beida et les rues étroites qui y pénètrent. Une foule bigarrée va et vient, dans laquelle un ethnographe identifierait les types les plus variés. Mais l'œil du nouveau venu ne voit que des Marocains. Il ignore encore la distinction qui convent de faire entre les Arabes et les Berbères, les uns coiffés du tarbouche et les autres du chèche enroulé autour du crâne rasé. Il devra aussi s'habituer à reconnaître des sujets de S.M. le Sultan dans ces personnages vêtus à l'européenne en veston, du bon faiseur, qui vont le plus souvent nu-tête et qui sont Israélites ou musulmans.


Une promenade dans un jardin de Casablanca. Ce jardin ne date pas d'hier à en juger par la hauteur de ses palmiers. M. LOUIS DELAU avait raison de faire observer que cet arbre fort décoratif, se révèle fort décevant si l'on en attend de l'ombre. Mais il conserve son pittoresque à en juger par cet photo.
  
L’œil s'intéresse également aux silhouettes féminines, qui semblent destinées aux affiches par lesquelles on vante le Maroc, pays du soleil. Les unes sont enveloppes de blancs haïks, ce qui est à la fois très propre à charmer les peintres et très incommode pour traverser les rues et les carrefours. D'autres vêtu es de djellabas sont plus rapides et plus séduisantes. Il faudra quelque temps au néo-Casablancais pour savoir que cette différence de vêtements correspond à une véritable révolution au sein de la population féminine ; et même masculine - car, de tout temps et partout, les hommes se sont intéressés aux costumes de leurs femmes. La djellaba est en effet le vêtement des modernistes ; et le haïk celui des traditionnalistes. Mais déjà la djellaba est remplacée par le costume tailleur ou la robe de ville, lorsque la femme musulmane appartient à une famille « up to date ».







Sur la façade de la banque commerciale du Maroc, se détache la silhouette d'un notable marocain, surpris par le photographe au moment où il pénètre dans une quincaillerie. Il est vêtu de la classique djellaba et coiffé du fez qu'au Maroc on appelle un tarbouch











                                                                                          








La jeune ouvrière sourit, tandis que sa campagne, plus âgée, se voile le visage pour ne pas être saisie par l'objectif. Dans ces deux attitudes, deux mentalités, deux générations, ou plutôt deux « Maroc », Celui du passé et celui de l'avenir.









 
















De jeunes marocains, les uns vêtus du costume traditionnel, les autres, habilles a l'européenne et nu-tête, prennent le thé à la menthe sous les yeux de S.M. le Sultan





 










  






Un petit métier, ne de la guerre, et qui continue à prospérer le gardien de bicyclettes. Casablanca n'a pourtant pas encore autant de cyclistes que Copenhague, et surtout ses cyclistes ne sont pas aussi bien disciplines que ceux des grandes villes du nord de l’Europe



Pour mieux voir le visage marocain de Casablanca, il faut évidemment s'aventurer dans les ruelles de la vieille médina. Le terme d'aventure est celui qui vient à l'esprit, au moins la première fois, car tout dépaysé le nouveau venu : les rues étroites ou les automobiles réussissent à passer au ralenti, les boutiques minuscules ou les cuirs et les tapis marocains voisinent avec des sacs de dame et des ceintures en plastique qui séduiraient les Parisiennes. Un marchand de babouches vend aussi des souliers à talons hauts et des espadrilles de plage.
Peu de monuments, au sens que nous donnons à ce mot. Le spectacle est dans la foule mi- marocaine, mi- européenne, car la vieille médina est une ville hispano-mauresque. La rue du Commandant Provost fut même autrefois « avant 1912 » le centre de la vie européenne. Aujourd'hui, l'on imagine avec peine les rares élégantes de cette lointaine époque se promenant près de Bab Marrakech, lorgnées par les brillants officiers du corps de débarquement qui prenaient leur apéritif sur la terrasse d'un minuscule estaminet.
La vieille médina de Casablanca se borde de remparts du côté de la mer. On les a classés comme monuments historiques au grand mécontentement des urbanistes, et dans cette affaire tout le monde a raison. Ces remparts, même sans grand caractère architectural, sont charges d'émouvants souvenirs, et quelques inscriptions les rappellent vers lesquelles on devrait parfois conduire les enfants des écoles. Mais les urbanistes et les hygiénistes rêvent sans doute d'une nouvelle ville aux larges avenues aérées. Déjà la place de France s'est agrandie au détriment du mellah et au profit de la sante publique. On veut espérer que son aménagement définitif, digne d'une grande ville comme Casablanca, ne sera plus longtemps retardé.

Près du palais de S.M. Sidi Mohammed, sur les hauteurs de mers-sultan, s'élève la grande mosquée de la nouvelle médina de Casablanca. La place voisine se couvre le vendredi d'une foule innombrable de croyants, qui viennent des secteurs les plus éloignés pour réaliser et sentir vivre l'oumma, c'est, à-dire la communauté islamique.

Très, vite cette vieille médina s'est' révélée incapable de contenir tous les travailleurs, négociants, employés, ouvriers, attirés par la naissance et le développement d'une métropole industrielle et commerciale. Il a fallu créer une autre ville, qu'on appelle la nouvelle médina et qui se trouve près du palais du Sultan, sur la colline de Mers-Sultan. Construite vers 1920 par des architectes français, cette cité moderne, patinée maintenant par le temps, semble plus réellement marocaine que l'ancienne, et c'est là que se rend le touriste s'il veut découvrir un coin de l'Islam traditionnel.

La nouvelle médina si pittoresque est devenue elle-même trop petite. En fait, elle n'a cessé et ne cesse de s'étendre de chaque côté de la route de Marrakech, de Ben M'Sick jusqu'à l'Hermitage. L'initiative privée et les décisions officielles ont abouti à la création d'une ville énorme, un peu disparate, dont la partie la plus récente, la blanche cité d'Aïn-Chock, est aussi la plus remarquable.

C'est par l'extension continuelle et méthodique de cette médina que l'on pourra un jour résorber les bidonvilles. Mais il faut savoir que si le mot est propre au Maroc, la chose se rencontre dans d'autres pays, qu'on cite volontiers comme étant à l'avant-garde du progrès technique et de la civilisation.
La structure sociale de la population musulmane résulte d'un compromis entre la hiérarchie traditionnelle fondée sur l'origine, le rang et la fonction de notre structure occidentale qui repose de plus en plus sur la fortune. Les grandes familles aristocratiques voisinent aujourd'hui avec les riches parvenus. Une classe moyenne importante s'est formée et se grossit de toute une jeunesse évoluée. Enfin, la masse des travailleurs constitue, avec la population flottante et les familles, un prolétariat énorme de 250.000 à 300.000 personnes.

Le comportement du travailleur musulman, suspendu entre deux sociétés, peut se trouver subitement modifie par une psychologie des masses qui échappe a l'analyse et il convient de l'examiner quelquefois d'un point de vue gênerai. II est certain que le prolétariat musulman manque d'homogénéité en raison d'une part des causes très diverses qui l'ont fait affluer : accroissement considérable de la popula­tion marocaine (3.000.000 en 1907, 8.500.000 en 1949) sans augmentation comparable de la capacité productive rurale, introduction de la centralisation et du dirigisme, mobiles d'ordre psychologique ; en raison d'autre part des différences ethniques.
Plus grave encore que le problème de l'habitat, apparaît donc le problème social pose par l'existence de plusieurs centaines de milliers de travailleurs marocains, pour la plupart ouvriers non qualifiés. Ces, Arabes et ces Berbères, venus de leur bled plus ou moins lointain, se groupent selon leur origine. Ils essaient de garder leurs coutumes tout en s'adaptant il la vie moderne. Aucun Barrès, marocain ne s'est encore penché sur le sort de ces déracinés. La plupart des Européens ignorent les problèmes de la nouvelle médina. Cependant des enquêtes sont faites à ce sujet, et la Semaine Pédagogique d'avril 1950 consacrée à l'étude du milieu nous en a apporté la preuve.
Il faut souhaiter que les Français ; prennent conscience du fait marocain, et Casablanca, grande ville moderne où vivent au moins 400,000 musulmans, leur permet de l'observer dans toute son ampleur, sinon dans tout son pittoresque.




Casablanca. La blanche et vaste cité musulmane d'Aïn-Chock.