vendredi 22 décembre 2017

CASABLANCA VILLE DE TOURISTES


CASABLANCA VILLE DE TOURISTES
Casablanca n’a pas de mellah à proprement parler.
De jeunes musulmans passent devant les maisons ou l'on aperçoit les cabanes de roseaux édifiées chaque automne par les israélites sur les terrasses en souvenir du temps ou leurs ancêtres campaient dans le désert.


1950.
Si le touriste est un monsieur qui exige qu'on lui serve sur un plateau, chaque matin, avec les croissants de son petit déjeuner, la splendeur d'un paysage analogue à celui du Grand-Atlas, de l'estuaire du Bou-Regreg ou du tour de Fès, Casablanca n'est pas une ville pour lui.
La capitale industrielle et commerciale du Maroc ne possède pas de sites, ni de monuments qui méritent les descriptions enflammées d'un Johanne ou d'un Baedeker. Du moins c'est ce qu'on dit et ce qu'on répète :
Casablanca n'est pas une ville touristique. Mais, en général, tout ce qu'on dit et même tout ce qu'on répète mérite d'être regarde à deux fois.
Casablanca n'est peut-être pas une ville touristique au sens qu'à Nice ou à Deauville on donne à ce mot, mais, incontestablement, c'est une ville de touristes. Pour se démontrer la vérité de cette proposition, il suffit d'ouvrir les yeux : les touristes sont là, dans les rues de Casablanca, à chaque arrivée de bateau ou d'avion. Ils se promènent par groupes, en calèches ; ces calèches si commodes pour visiter vraiment tous les quartiers d'une ville, pour s'imprégner de la réalité vivante qu'une grande cité constitue.
On les voit aussi, ces touristes, devant l'église du Parc Lyautey, sur la plage d'Aïn-Diab, sous les chemins ombreux d'Anfa, dans les rues de la vieille ou de la nouvelle médina, partout où il y a quelque chose à regarder, partout ou Casablanca montre son, ou plutôt ses visages de ville géante en pleine croissance.
Les chantiers eux-mêmes de Casablanca sont pittoresques. Ce ne sont pas les derniers objets sur lesquels se porte l'attention des touristes, et ceux-ci ont raison. Certes le passé tel que nous le révèlent les monuments catalogués est émouvant et instructif. Sous peine de recevoir un brevet de Béotien, il est impossible de ne pas admirer les Tombeaux Saadiens, cette merveille découverte par hasard. Il est impossible de ne pas rêver devant ces pierres, surtout si l'on évoque en même temps que Abd el Malek, le vainqueur de la bataille des Trois Rois, et El Mansour, les rois de France Henri III, Henri IV avec lesquels, ces sultans étaient en relations.
Mais le présent, et surtout l'avenir, en germe dans l'immédiat, sont encore plus exaltants.
Promenez-vous dans Casablanca en compagnie d'un Vieux Marocain, c'est-à-dire d'un homme qui n'est pas forcement âgé, mais qui a vu ce que vos yeux ne verront jamais, et que votre esprit a peine à imaginer :
La place de France occupée par un souk à bourriquots, la rue de l'Horloge transformée en une piste qui zigzague au milieu de cactus, la poste de la Bourse du Commerce installée au milieu d'une sorte de no man’s land, ou rien ne permet de prévoir le futur tracé du boulevard de la Gare.
Ecoutez votre compagnon qui vous parle de la naissance du port, de sa difficile construction, de la tempête qui a failli renverser la vedette du Général d'Amade, et dont les vagues ont arrosé tous ceux qui, sur le quai embryonnaire, assistaient au départ de l'illustre soldat. Ecoutez-le qui vous racontéIl la vie difficile et mouvementée des pionniers de 1907 et de 1912, du temps ou la ferme Amieux représentait pour les Casablancais un but d'excursion lointaine, à ne pas effectuer sans fusil.
Ecoutez-le qui évoque la colline d'Anfa, vaste et maigre pâturage, où les bergers, sous la tente, voyaient souvent les chacals et les loups semer la terreur parmi leurs moutons.
Il n'est pas besoin de remonter aux temps lointains et un peu mystérieux ou Casablanca s'appelait Anfa. Pour mesurer l'ampleur des transformations réalisées et des créations effectuées en ce point de la côte marocaine, il suffit d'écouter ceux qui ont été les témoins vivants de ces coups de baguette magique.
Le touriste n'est pas seulement pourvu d'un carnet de chèques-voyages et d'un appareil photographique. Il possède aussi un cerveau, il est capable d'apprécier la valeur humaine de ce qu'il voit, et Casablanca, sur ce point, lui offre des satisfactions surprenantes. Même si le touriste est pressé, même s'il n'a pas le temps d'écouter et de se renseigner, il ne peut rester insensible à la vue d'une grande ville moderne qui, littéralement, grandit encore sous ses yeux. Les chantiers de Casablanca, loin d'être des tares et des verrues, sont la parure fruste et prometteuse de cette cité dont les créateurs n'ont pas dit leur dernier mot.

 Une rue étroite de la vieille médina, ou chaque maison, ou chaque pierre garde le souvenir des journées tragiques d’août 1907. Mais qui se souvient des Evènements de Casablanca, et de l'insécurité à laquelle mirent fin les marins de l'amiral Philibert ?

Le même touriste pressé s'accordera quelques moments de flânerie dans la vieille médina. Ces rues étroites, cette foule bigarrée, ces maisons aux couloirs sombres qu'on devine pleines de vie, ces magasins dont les marchandises débordent sur les trottoirs, ces cuivres et ces tapis dont Schéhérazade se serait enchantée, ces « cafés » minuscules parfumés à la menthe, c'est l'Orient ; un Orient que la géographie situe à l'ouest de l'Afrique, mais dont les couleurs et les odeurs ne trompent point. Qu'on voit la médina au milieu de la chaleur et des bruits de la journée, ou sous le silence amical de la lune ; si belle pour qui goute en néophyte la douceur des nuits marocaines ; qu'on la voit en n'importe quelle saison, elle donne au visiteur des impressions qu'il comparera ensuite à d'autres, certes, mais qu'il n'oubliera jamais
Casablanca en effet est la porte du Maroc. C'est dans cette ville si européenne en apparence que le touriste découvre l'Orient marocain. C'est là qu'il s'arrête pour composer ou modifier son itinéraire. C'est là qu'il reçoit, tout en se délassant, une belle leçon d’énergie, et l'on peut être sûr qu'il saura gouter la saveur d'un tel paradoxe.
Le touriste, comme tout le monde, aime à être surpris. Casablanca est justement une ville étonnante. Par ses dimensions d'abord, par ses kilomètres de rues, par sa croissance rapide et continuelle, par la juxtaposition de deux civilisations, par l'organisation de sa nouvelle médina de la cité des Habous, déjà patinée, et des blancheurs d'Aïn-Chok. Il faut parler aussi de ses environs immédiats :
On ne peut avoir visité Casablanca sans avoir effectué le tour d'Anfa et admiré la villa blanche ou logea le Président Roosevelt. On devrait aussi se promener dans le vaste parc de l'Hermitage qui ressemble à une oasis de verdure aux portes de la ville, ou encore faire du footing sur la longue plage d'Aïn-Diab, entre les dunes boisées et l’Océan aux vagues toujours recommencées.
On devrait... mais dans une ville immense, les possibilités sont immenses.
Le jour, ou Casablanca sera aussi riche en hôtels qu'elle l'est en réalités touristiques, son nom s’inscrira parmi ceux des grands buts d'étape mondiaux. Elle sera, elle est déjà l'un des plus humains et, dans le siècle ou nous sommes, l'un des plus exaltants. Ce n'est pas faire preuve de chauvinisme, ou de particularisme que d'affirmer cela, c'est présenter une ville sous son jour vrai, et c'est aussi rendre un nouvel hommage à l'homme qui s'appelait Lyautey et qui a, de toute la force de son génie, voulu Casablanca.
  

 La blanche et vaste cité musulmane d'Ain-Chok à l'intersection de la route de Marrakech et du BD des crêtes. Une superbe vue qui émerveille tous les visiteurs.



 Des architectes français, MM. Cadet et Brion ont dessiné, pour le service des Habous, la 1ère nouvelle Médina de Casablanca. Dans un style très pur, de maisons blanches et des rues qui passent sous des portes voûtées, des enfants au crâne, rasé (sauf la natte rituelle) des mendiantes qui sont surtout des prieuses et des invocatrices. Des hommes en djellabas et de la lumière : C'est l'Orient...


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