jeudi 7 décembre 2017

La Reconnaissance d'un Peuple




La Reconnaissance d'un Peuple






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L'amélioration de l'état de santé du Maréchal Lyautey a causé une joie profonde dans toute la population. En l'occurrence, le Résident Général aura pu mesurer la portée du grand œuvre qu'il a réalisé en ce pays qu'il gouverne depuis plus de dix années et dont, à vrai dire, il a restauré l'âme non moins que la terre. 
Cela, nous venons de le sentir intensément au spectacle des témoignages d'affection les plus divers qui, de la-colonie comme des indigènes, des villes comme du bled, ont afflué à Fez, où le Maréchal avait dû s'aliter, de retour de la Conférence d'Alger.


FEZ. — Une des belles portes de la ville Phot. Flandrin.


Dès les premières nouvelles d'une aggravation de la maladie, l'inquiétude des Marocains était devenue évidente. 
Si le Mouqim el Am n'était plus là ! Cette pensée ne cessait de hanter les protégés avertis de certaines erreurs algériennes, et qu'une domination à l'anglaise ferait se soulever unanimement. 
Si Lyautey n'était plus là ! Alors, en un temps où soufflent les vents de Moscou et d'Angora, où la plupart des colonies musulmanes affirment une haine chaque jour plus agissante contre l'Occident et ceux qui le représentent, les Marocains, héritiers les plus légitimes de cette Afrique berbère, jamais maîtrisée depuis Juba, se sont rendus en foule aux sanctuaires les plus vénérés et les prières coraniques ont monté vers le ciel, implorant Allah pour qu'il garde longue vie au chrétien Lyautey qui les a si bien compris, respectés, aimés.
 A Rabat, à Salé, ce furent des prières publiques, tandis que des cavaliers du Sultan partaient au galop pour prier à Moulay Idriss Zerhoun.
A Meknès, confréries, et corporations envahirent spontanément la mosquée Si Kaddour el Alahmi ; à Safi, la piété populaire s'exprima par un message touchant envoyé à la Maréchale Lyautey, Mais, c'est à Fez, qu'on a  le mieux discerné le miracle de la politique du protectorat. 
Oui, miracle ; le mot n'est pas flagornerie. Fez, capitale berbère ; Fez-la-Rouge de 1912 ; Fez où réside une fierté de cité antique, où les dissidents Djebala, Chleuh côtoie les officiers à travers le dédale des souks étroits ; Fez où, dans le cadre du gâchis mondial, l'ordre et la paix des esprits constituent une manière d'anomalie; Fez, où se sont popularisées toutes les puissances intellectuelles et morales de l'Islam marocain, Fez a prié pour le Chef français avec la ferveur, des jours où il voulait arracher à son destin l'illustre Sultan Moulay-Hassan. 
Dans le large patio blanc du palais de Bou-Jloud, que trouble seulement le jet bruissant de la vasque, il y avait un cortège dont l'émotion visible dépassait la splendeur. C'étaient à la fois, délégués par le peuple les plus beaux et les plus vertueux, les plus riches et les plus religieux des Fassis : chorfa, théologiens, cadis, membres du madjless municipal, notables de la bourgeoisie et des corporations conduits par le mokkadem des chorfa de Moulay Idriss et le chérif El Kettani, par Si Mohamed El Baghdadi, Pacha de la ville, et Si Driss El Mokri, frère du Grand Vizir de l'Empire. 
C'était à l'heure de la troisième prière, entre midi et le coucher du soleil. Les étendards brodés des confréries, rouges, verts, roses, semblaient de magnifiques symboles d'une foi séculaire. Alors, les croyants se sont tournés vers l'Orient, leur visage consterné s'est figé dans la sérénité.
Des lèvres du Cheikh des Kettaniynes s'est échappée la Fatiha, la prière suprême des grands périls, la première sourate du Coran dont l'énoncé suffit à l'infidèle pour entrer en : « Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Louange à Dieu, souverain de l'Univers, le clément, le miséricordieux, souverain au jour de la rétribution. C'est toi que nous adorons, c'est toi dont nous implorons le secours. Dirige-nous dans le sentier droit, dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes bienfaits. de ceux qui n'ont point encouru ta tolère et qui ne s'égarent point. Amen ! » Puis, suivi d'un jeune homme, hier encore élève du Collège Musulman, le Cheikh s’en est allé remettre au Maréchal deux énormes cierges de cire jaune, une jatte pleine de l'eau de la fontaine sainte de Moulay-Idriss.
Mais c'est bien la gratitude de tout le Maroc qui s'est manifestée. 
A Salé, les Israélites ont exorcisé le Résident en lui donnant un autre nom ; ils ont fait œuvre propitiatoire en distribuant de l'argent aux pauvres. Et quel tribut à la vérité vient offrir cette humble lettre anonyme d'un Israélite de Casablanca au Maréchal :
« Je promets de porter à notre « Rabbi Eliaou » cinq paquets de bougies dès que vous serai en parfaite santé ; ce « don est fait de tout mon cœur selon mes moyens, car « vous avez été toujours bon et juste » (sic).
Ce n'est donc pas en vain que Lyautey a mis à la base de son effort ce qu'il appelle la « parcelle d'amour ». Le cœur gisant mort L’œil ne peut voir : quelle fortune pour la France d'être vue à sa propre image, à travers l'incarnation même de l'intelligence et de la magnanimité.











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